Après avoir salué le clochard qui vivait là,
après lui avoir offert le café de ma thermos,
je lui ai dit qu'il devrait aller consulter, que la plaie qu'il avait au tibia puait la gangrène.
Les arbres absorbèrent son silence.
Il me dit « P'ti gars, je suis seul au monde, tu n'es qu'un fantôme »

Il me tendit une cigarette avant d'ajouter,
« J'ai mis longtemps à comprendre que le monde n'était que le fruit de mon imagination, tu l'es aussi, vous l'êtes tous. Je suis le dernier »

Je me suis éloigné.

De l'autre côté du lac, le vent bruissait, les feuilles dans une prière commune, chantaient le contenu de la carte postale que j'avais reçu du Venezuela.

Et dans un souffle de liberté,
j'ai plongé nu dans l'eau glacée.
Les poissons et les algues me frôlaient,
touchaient mon corps en faisant tourner le ciel,
l'eau m'aspirait, m'imprégnait de son odeur, me happait tout entier.
Je suis devenu dur, dur et léger. Je flottais sans effort
les yeux fermés,
j'ai joui en pensant à toi.

(Des églises et des bars)

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