Paul de Roux : Les Pas (extraits) 
jeudi 10 mai 2012, 19:58 - ~ Choix : Poême
Une brique


Encore une infusion de soleil
alors que tout est si noir dans l'âme
las, souffrant et comme à bout.
Alors mieux vaut peut-être ne rien faire
rester comme une brique qui attend :
les souffles de l'air sont sur elle de toutes parts
le soleil parfois, et le froid aussi.
Elle est seule dans son coin.
Mais un jour le maçon, d'un seul coup
lui trouvera sa place au sein du mur.


De retour


Conversation dont on sort défiguré
— pourquoi ces mots ? personne ne les exigeait de toi
tu ne parviens pas à te défaire de cette prothèse de mots
elle t'accompagne dans la nuit, l'autobus
mais que t'importe au fond l'opinion des autres
pourquoi vouloir qu'ils pensent du bien de toi ?
ce masque ou un autre... quel temps perdu, quelle fatigue
si l'on veut choisir son masque dans cette bousculade !


La vie recluse


Dans la vie recluse, la lumière fait trois pas
la vie n'a même pas vu ces trois pas, la vie recluse
sur le mystère de son exclusion, la vie recluse
qui eut les fines et longues jambes des chevaux
pour galoper sur des plages écumantes, la vie recluse
qui n'a plus que ses yeux pour pleurer et qui ne pleure pas
qui ne voit pas les trois pas de la lumière
la vie recluse en elle-même, qui ne veut plus bouger.


Dans l'herbe


Quand l'espèce était moins étendue, moins omniprésente
il devait y avoir du repos dans cette idée :
finir à même la terre avec toutes choses
et les os des oiseaux comme flûtes enfouies.
N'est-ce pas cette idée, sur l'herbe, qui revient
quand on est allongé et qu'on acquiesce
— étourdiment peut-être — à tous les parfums de la terre
à la musique mystérieuse de la terre
— pas seulement dans les arbres avec le vent
mais où elle est aussi odeurs, choses non dites à jamais ?


(Les Pas, L’Alphée, 1984)


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