Germaine Beaumont : Les malles sont... 
mardi 18 mars 2008, 22:43 - ~ Choix : Prose
    Les malles sont, au même titre que les drapeaux et les poissons rouges, des accessoires de prestidigitation. Les malles ont quatre côtés et cinq dimensions. Quelle que soit la dimension d’une malle, elle est toujours trop petite. Par un phénomène curieux, une malle ne ferme jamais au moment de la rentrée même si elle contient moins d’objets qu’au moment du départ. Des industriels optimistes ont essayé de perfectionner les malles. On ne perfectionne pas les malles, on les subit. Les malles ne sont commodes que quand elles sont ouvertes et vides dans une vitrine. La preuve que les malles ne sont pas faites pour voyager, c’est qu’elles n’ont pas de pieds. Le symbole de l’inertie, c’est une malle.
    On reconnaît les objets que l’on doit mettre au fond de la malle à ce que ce sont toujours ceux dont on se souvient au dernier moment. Le couvercle de la malle est le socle du voyageur. Les malles s’ouvrent toutes seules, mais il faut toujours être plusieurs pour les fermer. C’est toujours avec des bêtes sédentaires que l’on fait le cuir des malles. [suite...]

Sébastien Clivillé : Middle East 
mardi 11 mars 2008, 20:04 - ~ Choix : Poême
Bardas
Tapis de Bombes
Boys Boys Boys
Sus à l'ubac là-bas
Sur les mohlas
Brusque hallali
Blablas, mais
Barbus et puis les baas
Attaquent
Et tacatacs toccata des kalachs
Tuez les tous
Boys Boys Boys
Bras tibias abats
Tus
Ubu
A bu
L'arak
D'Irak
Jusqu'à la lie



Lautréamont : Je suis sale. Les poux me rongent... 
lundi 10 mars 2008, 08:29 - ~ Choix : Poème, ~ Choix : Prose
    Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. Les croûtes et les escarres de la lèpre ont écaillé ma peau, couverte de pus jaunâtre. Je ne connais pas l’eau des fleuves, ni la rosée des nuages. Sur ma nuque, comme sur un fumier, pousse un énorme champignon, aux pédoncules ombellifères. Assis sur un meuble informe, je n’ai pas bougé mes membres depuis quatre siècles. Mes pieds ont pris racine dans le sol et composent, jusqu’à mon ventre, une sorte de végétation vivace, remplie d’ignobles parasites, qui ne dérive pas encore de la plante, et qui n’est plus de la chair. Cependant mon cœur bat. Mais comment battrait-il, si la pourriture et les exhalaisons de mon cadavre (je n’ose pas dire corps) ne le nourrissaient abondamment ? Sous mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris résidence, et, quand l’un d’eux remue, il me fait des chatouilles. Prenez garde qu’il ne s’en échappe un, et ne vienne gratter, avec sa bouche, le dedans de votre oreille : il serait ensuite capable d’entrer dans votre cerveau. [suite...]

Banville : Lapins 
samedi 8 mars 2008, 23:41 - ~ Choix : Poëme
Les petits lapins, dans le bois,
Folâtrent sur l’herbe arrosée
Et, comme nous le vin d’Arbois,
Ils boivent la douce rosée.

Gris foncé, gris clair, soupe au lait,
Ces vagabonds, dont se dégage
Comme une odeur de serpolet,
Tiennent à peu près ce langage :

« Nous sommes les petits Lapins,
Gens étrangers à l’écriture,
Et chaussés des seuls escarpins
Que nous a donnés la Nature.

[suite...]

Daniel Biga : fils ou fille de Birgit de Daniel 
mercredi 5 mars 2008, 00:27 - ~ Choix : Poème
fils ou fille de Birgit de Daniel
petit Biga tu n'es pas venu au Monde
parce que la vie était trop dure et tes parents trop mous
pour avoir la possibilité de regarder l'adversaire droit dans les yeux (Huma Dimanche)
enfant interrompu quelques grammes de chair de sang et d'illusions perdus
– 1 500 francs qu'il demande ce salaud de toubib !
mais comme dit l'Obs. s'il y a 1 000 000 d'avortements par an en France
pas de quoi en faire toute une histoire !
histoire petite histoire banale et quotidienne
[suite...]

Benjamin Péret : Sombres vaches 
vendredi 29 février 2008, 12:54 - ~ Choix : Poème
Paysan paysan lave tes pieds
Paysan paysan trais tes vaches
dans le ciboire du curé
Avec leurs cornes tu feras des christs
avec leurs sabots des bénitiers

Paysan paysan trais tes vaches avec ton pied
ton pied sale comme le christ
et ton lait s'en ira sur les montagnes
remplacer la neige

[suite...]

Franc-Nohain : La complainte de Monsieur Benoît 
jeudi 21 février 2008, 20:58 - ~ Choix : Poème
Dans sa coquette maison de campagne de Saint-Mandé,
Monsieur Benoît, hier matin, s'est suicidé.

On peut dire que c'est joliment désagréable pour sa famille
Et sans doute aurait-il mieux fait de rester tranquille ;

Avec ça que c'est une fichue existence que je prévois,
Dès lors, pour cette bonne madame Benoît ;

Cette pauvre mademoiselle Benoît est également bien à plaindre,
Elle qui allait épouser un riche industriel de l'Indre ;

Et le fils Benoît, un garçon si rangé et si travailleur...
Faut-il qu'il y ait des gens, tout de même, qui a du malheur !

[suite...]

La Charlotte par Marie Dubas (extraits) 
mardi 12 février 2008, 20:45 - ~ Choix : Poème, ~ Choix : Spectacle


Jehan-Rictus n'aimait pas cette interprétation... Chacun ses goûts...

Montaigne 
mardi 5 février 2008, 21:06 - ~ Choix : Prose
    Les païsants simples, sont honnestes gents : et honnestes gents les Philosophes : ou, selon que nostre temps les nomme, des natures fortes et claires, enrichies d'une large instruction de sciences utiles. Les mestis, qui ont dedaigné le premier siege de l'ignorance des lettres, et n'ont peu joindre l'autre (le cul entre deux selles : desquels je suis, et tant d'autres) sont dangereux, ineptes, importuns : ceux-cy troublent le monde. Pourtant de ma part, je me recule tant que je puis, dans le premier et naturel siege, d'où je me suis pour neant essayé de partir.

    La poësie populaire et purement naturelle, a des naïvetés et graces, par où elle se compare à la principale beauté de la poësie parfaitte selon l'art : comme il se void és villanelles de Gascongne et aux chansons, qu'on nous rapporte des nations qui n'ont cognoissance d'aucune science, ny mesme d'escriture. La poësie mediocre, qui s'arreste entre deux, est desdaignée, sans honneur, et sans prix.

(Les Essais, I, LIV)



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