Yseult : Le Silence du Métro 
jeudi 19 mars 2009, 08:28 - ~ Choix : Prose
    « Une femme aux yeux verts monte dans une rame de métro à la gare Saint-Lazare. Elle traîne un énorme sac de voyage en toile enduite noire, à roulettes. La couture du sac a lâché sur une quinzaine de centimètres, et ce trou donne envie d’introduire une main chapardeuse à l’intérieur. [...] »

    Un début qui donne envie de s'introduire dans cette nouvelle d'une blogueuse éphémère (bien souvent les meilleur*) de 2005...

Gabriel Randon : in Le Congrès des Poètes 
jeudi 8 janvier 2009, 18:31 - ~ Choix : Prose
    Le futur Jehan Rictus rend un dernier hommage à Leconte de Lisle :


(Le Congrès des Poètes, 1894, pp. 54-56)


Lettre à Jehan Rictus par un « groupe d'enfants du Peuple » 
vendredi 29 août 2008, 11:56 - ~ Choix : Prose

[suite...]

Daniel Biga (68 ans aujourd'hui) : Un authentique explorateur 
dimanche 23 mars 2008, 23:09 - ~ Choix : Poème, ~ Choix : Prose
    Mon père sortait encore à plus de quatre-vingts ans malgré sa jambe plus courte de vingt centimètres, s'appuyant sur une, puis deux cannes-béquilles.
    Il vivait cette sortie comme un véritable exploit, ramenant dans son petit sac à dos quelques courses depuis le Casino près de la gare du Sud. Tous ses voyages étaient calculés avec les bus TNL (Transport Nice et Littoral) dont cinq lignes différentes avaient la bonne grâce de s'arrêter sur la placette devant l'immeuble (mais ce n'était pas l'effet du hasard si, retournant dans leur quartier de jeunesse à la retraite, avec maman ils avaient choisi cet immeuble-là).
    Parfois il partait pour la demi-journée calculant comment « en sautant » d'un bus l'autre il irait jusqu'aux frontières de la ville. Quand il rentrait il était heureux comme un authentique explorateur ; je crois que dans mes vieux jours je n'oublierai pas son exemple.
    Au soir tu comptes les cheveux blancs sur ta veste noire.

(Arrêts facultatifs, 2001)


Montaigne sur la poésie 
mercredi 19 mars 2008, 20:24 - ~ Choix : Prose
[...] Voicy merveille: nous avons bien plus de poetes, que de juges et interpretes de poesie. Il est plus aisé de la faire, que de la cognoistre. [suite...]

Germaine Beaumont : Les malles sont... 
mardi 18 mars 2008, 22:43 - ~ Choix : Prose
    Les malles sont, au même titre que les drapeaux et les poissons rouges, des accessoires de prestidigitation. Les malles ont quatre côtés et cinq dimensions. Quelle que soit la dimension d’une malle, elle est toujours trop petite. Par un phénomène curieux, une malle ne ferme jamais au moment de la rentrée même si elle contient moins d’objets qu’au moment du départ. Des industriels optimistes ont essayé de perfectionner les malles. On ne perfectionne pas les malles, on les subit. Les malles ne sont commodes que quand elles sont ouvertes et vides dans une vitrine. La preuve que les malles ne sont pas faites pour voyager, c’est qu’elles n’ont pas de pieds. Le symbole de l’inertie, c’est une malle.
    On reconnaît les objets que l’on doit mettre au fond de la malle à ce que ce sont toujours ceux dont on se souvient au dernier moment. Le couvercle de la malle est le socle du voyageur. Les malles s’ouvrent toutes seules, mais il faut toujours être plusieurs pour les fermer. C’est toujours avec des bêtes sédentaires que l’on fait le cuir des malles. [suite...]

Lautréamont : Je suis sale. Les poux me rongent... 
lundi 10 mars 2008, 08:29 - ~ Choix : Poème, ~ Choix : Prose
    Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. Les croûtes et les escarres de la lèpre ont écaillé ma peau, couverte de pus jaunâtre. Je ne connais pas l’eau des fleuves, ni la rosée des nuages. Sur ma nuque, comme sur un fumier, pousse un énorme champignon, aux pédoncules ombellifères. Assis sur un meuble informe, je n’ai pas bougé mes membres depuis quatre siècles. Mes pieds ont pris racine dans le sol et composent, jusqu’à mon ventre, une sorte de végétation vivace, remplie d’ignobles parasites, qui ne dérive pas encore de la plante, et qui n’est plus de la chair. Cependant mon cœur bat. Mais comment battrait-il, si la pourriture et les exhalaisons de mon cadavre (je n’ose pas dire corps) ne le nourrissaient abondamment ? Sous mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris résidence, et, quand l’un d’eux remue, il me fait des chatouilles. Prenez garde qu’il ne s’en échappe un, et ne vienne gratter, avec sa bouche, le dedans de votre oreille : il serait ensuite capable d’entrer dans votre cerveau. [suite...]

Montaigne 
mardi 5 février 2008, 21:06 - ~ Choix : Prose
    Les païsants simples, sont honnestes gents : et honnestes gents les Philosophes : ou, selon que nostre temps les nomme, des natures fortes et claires, enrichies d'une large instruction de sciences utiles. Les mestis, qui ont dedaigné le premier siege de l'ignorance des lettres, et n'ont peu joindre l'autre (le cul entre deux selles : desquels je suis, et tant d'autres) sont dangereux, ineptes, importuns : ceux-cy troublent le monde. Pourtant de ma part, je me recule tant que je puis, dans le premier et naturel siege, d'où je me suis pour neant essayé de partir.

    La poësie populaire et purement naturelle, a des naïvetés et graces, par où elle se compare à la principale beauté de la poësie parfaitte selon l'art : comme il se void és villanelles de Gascongne et aux chansons, qu'on nous rapporte des nations qui n'ont cognoissance d'aucune science, ny mesme d'escriture. La poësie mediocre, qui s'arreste entre deux, est desdaignée, sans honneur, et sans prix.

(Les Essais, I, LIV)


Armand Robin : Lettre indésirable n°1 (à la Gestapo) 
dimanche 3 février 2008, 23:39 - ~ Choix : Prose
        Preuves un peu trop lourdes de la dégénérescence humaine,

    il m'est parvenu que de singuliers citoyens français m'ont dénoncé à vous comme n'étant pas du tout au nombre de vos approbateurs.

    Je ne puis, messieurs, que confirmer ces propos et ces tristes écrits. Il est très exact que je vous désapprouve d'une désapprobation pour laquelle il n'est point de nom dans aucune des langues que je connaisse (ni même sans doute dans la langue hébraïque que vous me donnez envie d'étudier). Vous êtes des tueurs, messieurs ; et j'ajouterai même (c'est un point de vue auquel je tiens beaucoup) que vous êtes des tueurs ridicules. Vous n'êtes pas sans ignorer que je me suis spécialisé dans l'écoute des radios étrangères ; j'apprends ainsi de précieux détails sur vos agissements ; mais, le propre des criminels étant surtout d'être ignorants, me faudra-t-il perdre du temps à vous signaler les chambres à gaz motorisées que vous faites circuler dans les villes russes ? Ou les camps où, avec un art achevé, vous faites mourir des millions d'innocents en Pologne ?

    Si je vous écris directement, messieurs, c’est pour remédier au manque de talent de mes dénonciateurs ; cette variété de l'espèce humaine, particulièrement fréquente sous les régimes vertueux, manque de subtilité et de perfection ; je suis persuadé qu'elle ne m'a pas dénoncé à vous avec le savoir-faire qui s'impose dans cette profession. [suite...]


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