Alba de CéspedesNos garçons

 
   

Nos garçons sont grands et maigres,
ils ont des boutons,
des mains rouges,
des bras ballants,
et des cheveux longs longs longs.
 
Ce n’est pas toujours facile
avec eux ;
ils sont veules, silencieux,
ils n’arrivent jamais ponctuels
aux rendez-vous.
Ils arrivent, pourtant,
ils ne peuvent se passer de nous :
c’est ça l’important.
 
Leurs parents
ne les comprennent pas,
les malheureux.
Avec les nôtres, d’ailleurs,
ça ne va guère mieux.
Nous sommes tous orphelins
de parents vivants :
drôle de condition.
 
La société de consommation,
c’est-à-dire
les gens de bien,
les patrons,
nous jugent des inadaptés,
des vauriens,
car nous ne voulons
pas nous laisser consommer
par eux.
 
En conclusion, depuis
quelque temps,
notre vie n’était pas
très encourageante.
 
Nous étions toujours
de mauvaise humeur.
Après l’amour, nous fumions
un paquet de cigarettes,
(ça revenait très cher),
et nous répétions :
« Ce n’est pas ça,
ce n’est pas seulement ça
que nous voulons,
il faut faire autre chose. »
 
Et voilà, nous avons fait
la révolution : c’était
ce que nous voulions.