Eudore ÉvanturelSouvenir

 
   

Un soir du dernier carnaval,
— Un froid de loup, je me rappelle, —
Nous revenions tous deux du bal,
Bien tard, bien tard, mademoiselle.
 
Je m’en souviens, ô vrai bonheur !
Des airs joués à l’ouverture,
Les battements de votre cœur
Gardaient encore la mesure.
 
— Si vous m’aimiez ?
                                     — Je n’en sais rien.
Toujours est-il que la dernière,
Vous songeâtes que votre main
Tenait la mienne prisonnière.
 
Pourquoi marchions-nous lentement,
Par un de ces froids de Norvège,
Malgré le vent qui, par moments,
Fouettait nos fronts — malgré la neige ?
 
C’est que, vois-tu, nous nous aimions
Déjà beaucoup, je me rappelle,
Le soir que seuls nous revenions
Bien tard, bien tard, mademoiselle.