Roger Gilbert-LecomteArsenal

 

   Franchissant un gigantesque pont de fer qui surplombe des voies ferrées, je vais vers une femme maternelle prostrée sur un remblai, avec toutes sortes de ménagements, la prévenir du deuil qui la frappe. Loge de concierge dans une ruelle vide. J’offre, sans grande conviction, des consolations charnelles à une veuve d’un certain âge. Elle m’éconduit poliment. Dans les ténèbres, frotter le cuir de mes souliers au moyen d’une bougie. La graisse des morts. Une flaque de petit jour croissant au centre de la nuit ; se dessine un vaste « court » de ce tennis si particulier. Un hangar en bordure. Joueurs de pelote basque. À tour de rôle ils lancent un chat sur le toit du hangar. Le chat en dégouline, les reins brisés. Ils ramassent le cadavre et le propulsent à perte de vue au-dessus d’un filet situé à mi-chemin de l’horizon. Je me mêle aux joueurs, près du hangar. À mon tour, je jette le chat sur le toit. Mais, vivace, il retombe sur moi. Enragé, ce chat dont je ne puis me dépêtrer me laboure de ses griffes suraigües les lombes et l’aine.

 

© Gallimard