Clément MarotDe l’amour du siècle antique

 
   

Au bon vieux temps un train d’amour régnait,
Qui sans grand art et dons se démenait,
Si qu’un bouquet donné d’amour profonde,
C’était donné toute la terre ronde,
Car seulement au cœur on se prenait.
 
Et si, par cas, à jouir on venait,
Savez-vous bien comme on s’entretenait ?
Vingt ans, trente ans : cela durait un monde
            Au bon vieux temps.
 
Or est perdu ce qu’amour ordonnait :
Rien que pleurs feints, rien que changes on n’oit,
Qui voudra donc qu’à aimer je me fonde,
Il faut, premier, que l’amour on refonde,
Et qu’on la mène ainsi qu’on la menait
            Au bon vieux temps.

 

   

Au bon vieulx temps ung train d’amour regnoit,
Qui sans grand art et dons se demenoit,
Si qu’ung bouquet donné d’amour profonde,
C’estoit donné toute la terre ronde,
Car seulement au cueur on se prenoit.
 
Et si, par cas, à jouyr on venoit,
Sçavez-vous bien comme on s’entretenoit ?
Vingt ans, trente ans : cela duroit un monde
            Au bon vieulx temps.
 
Or est perdu ce qu’amour ordonnoit :
Rien que pleurs fainctz, rien que changes on n’oyt,
Qui vouldra donc qu’à aymer je me fonde,
Il fault, premier, que l’amour on refonde,
Et qu’on la meine ainsi qu’on la menoit
          Au bon vieulx temps.