Ronsard 

 
   

Vous me dîtes, Maîtresse, étant à la fenêtre,
Regardant vers Montmartre et les champs d’alentour :
La solitaire vie, et le désert séjour
Valent mieux que la Cour, je voudrais bien y être.
 
À l’heure mon esprit de mes sens serait maître,
En jeûne et oraison je passerais le jour,
Je défierais les traits et les flammes d’Amour :
Ce cruel de mon sang ne pourrait se repaître.
 
Quand je vous répondis, Vous trompez de penser
Qu’un feu ne soit pas feu, pour se couvrir de cendre :
Sur les cloîtres sacrés la flamme on voit passer :
 
Amour dans les déserts comme aux villes s’engendre.
Contre un dieu si puissant, qui les Dieux peut forcer,
Jeûnes ni oraisons ne se peuvent défendre.

 

   

Vous me distes, Maistresse, estant à la fenestre,
Regardant vers Mont-martre et les champs d’alentour :
La solitaire vie, et le desert sejour
Valent mieux que la Cour, je voudrois bien y estre.
 
A l’heure mon esprit de mes sens seroit maistre,
En jeusne et oraisons je passerois le jour:
Je desfirois les traicts et les flames d’Amour:
Ce cruel de mon sang ne pourroit se repaistre.
 
Quand je vous repondy, Vous trompez de penser
Qu’un feu ne soit pas feu, pour se couvrir de cendre:
Sur les cloistres sacrez la flame on voit passer:
 
Amour dans les deserts comme aux villes s’engendre.
Contre un Dieu si puissant, qui les Dieux peut forcer,
Jeusnes ny oraisons ne se peuvent defendre.