Juke-Box à Poésie › Arthur Rimbaud | |||
Ma Bohème Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ; Mon paletot aussi devenait idéal ; J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ; Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées ! Mon unique culotte avait un large trou. — Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse. — Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou Et [...] Ophélie I Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles La blanche Ophélia flotte comme un grand lys, Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles... - On entend dans les bois lointains des hallalis. Voici plus de mille ans que la triste Ophélie Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir. Voici plus de mille ans que sa douce folie Murmure sa [...] Les Poètes de sept ans Et la Mère, fermant le livre du devoir, S’en allait satisfaite et très fière, sans voir, Dans les yeux bleus et sous le front plein d’éminences, L’âme de son enfant livrée aux répugnances. Tout le jour il suait d’obéissance ; très Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits Semblaient prouver en lui d’âcres hypocrisies. Dans l’ombre des couloirs aux tentures moisies, [...] | Qu'est-ce pour nous, mon coeur... Qu’est-ce pour nous, mon cœur, que les nappes de sang Et de braise, et mille meurtres, et les longs cris De rage, sanglots de tout enfer renversant Tout ordre ; et l’Aquilon encor sur les débris ; Et toute vengeance ? Rien ! ... — Mais si, toute encor, Nous la voulons ! Industriels, princes, sénats : Périssez ! Puissance, justice, histoire : à bas ! Ça nous est dû. Le sang ! le sang ! la [...] Roman I On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans. - Un beau soir, foin des bocks et de la limonade, Des cafés tapageurs aux lustres éclatants ! - On va sous les tilleuls verts de la promenade. Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin ! L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ; Le vent chargé de bruits, - la ville n'est [...] Vénus Anadyomène Comme d’un cercueil vert en fer blanc, une tête De femme à cheveux bruns fortement pommadés D’une vieille baignoire émerge, lente et bête, Avec des déficits assez mal ravaudés ; Puis le col gras et gris, les larges omoplates Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ; Puis les rondeurs des reins semblent prendre l’essor ; La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ; L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goût Horrible étrangement ; on remarque surtout Des singularités qu’il faut voir à la loupe..... Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ; — Et tout ce corps remue et tend sa large croupe Belle hideusement d’un ulcère à l’anus. | ||
Le juke-box à poésie
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