Juke-Box à Poésie › Paul Verlaine

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L'espoir luit comme un brin de paille...
L’espoir luit comme un brin de paille dans l’étable.
Que crains-tu de la guêpe ivre de son vol fou ?
Vois, le soleil toujours poudroie à quelque trou.
Que ne t’endormais-tu, le coude sur la table ?
 
Pauvre âme pâle, au moins cette eau du puits glacé,
Bois-la. Puis dors après. Allons, tu vois, je reste,
Et je dorloterai les rêves de ta sieste,
Et tu chantonneras comme un enfant bercé.
 [...]
La lune blanche...
La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée...

Ô bien-aimée.

L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure...

Rêvons, c'est l'heure.

Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise...

C'est l'heure exquise.
La mer est plus belle...
La mer est plus belle 
Que les cathédrales, 
Nourrice fidèle, 
Berceuse de râles, 
La mer sur qui prie 
La Vierge Marie ! 
  
Elle a tous les dons 
Terribles et doux. 
J’entends ses pardons 
Gronder ses courroux. 
Cette immensité 
N’a rien d’entêté. 
  
Oh ! si patiente, 
Même quand méchante ! 
Un souffle ami hante 
La vague, et nous chante : 
« Vous sans espérance, 
Mourez sans souffrance ! » 
   
Et puis sous les cieux 
Qui s’y rient plus clairs, 
Elle a des airs bleus, 
Roses, gris et verts... 
Plus belle que tous, 
Meilleure que nous !
Le ciel est, par-dessus le toit...
Le ciel est, par-dessus le toit,
            Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
            Berce sa palme.
 
La cloche, dans le ciel qu’on voit,
            Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
            Chante sa plainte.
 
Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
            Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
            Vient de la ville.
 
— Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
            Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
            De ta jeunesse ?


Le son du cor s’afflige vers les bois...
Le son du cor s’afflige vers les bois
D’une douleur on veut croire orpheline
Qui vient mourir au bas de la colline
Parmi la bise errant en courts abois.
 
L’âme du loup pleure dans cette voix
Qui monte avec le soleil qui décline
D’une agonie on veut croire câline
Et qui ravit et qui navre à la fois.
 
Pour faire mieux cette plainte assoupie
La neige tombe à longs traits de charpie
À travers le couchant sanguinolent,
 
Et l’air a l’air d’être un soupir d’automne,
Tant il fait doux par ce soir monotone
Où se dorlote un paysage lent.
Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
 
Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en [...]
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