Les feignants du Lux-Bar, les paumés, les horribles,
Tous ceux qui, rue Lepic, viennent traîner leurs patins,
Les rigolos du coin, les connards, les terribles
Qui sont déjà chargés à dix heures du matin...
Les racines au bistrot, ça va pas jusqu'à Blanche,
Et même les Abbesses, ils ont jamais vu ça !
Avec dix coups de rouquin ils se font leur dimanche
Et je les aime bien, je ne sais pas trop pourquoi.
Y a Jojo qui connaît des chansons par centaines,
Qui gueule comme un âne avec une voix d'acier
Et sur un cheval boiteux va bouffer toute sa semaine,
Qui crèverait si demain on supprimait le tiercé,
Et le patron du Lux-Bar, c'est l'Auvergne en personne,
Bien avant de savoir lire il savait djà compter,
Mais tous les habitués viennent pour la patronne
Et lui, le malheureux, s'en est jamais douté !
Et puis il a les souris des rues avoisinantes
Au valseur agressif, au sourire accueillant,
Qui font toujours la gueule et sont toujours contentes,
Qui racontent leur vie en séchant leur coup de blanc.
Au Lux-Bar on se retrouve un peu comme en famille ;
Le poissonnier d'à côté, çui qui vend du requin,
Vient y boire son whisky parmi les joyeux drilles
Qui ne sont rien du tout, mais qui sont tous quelqu'un.
Les copains du Lux-Bar, les truands, les poètes,
Tous ceux qui dans Paris ont trouvé leur patelin
Au bas de Ia rue Lepic viennent se faire la fête
Pour que les Auvergnats puissent gagner leur pain.