[...]
(Elle s'assoupit. — On entend par la fenêtre le bruit
d'une guitare et une voix.)
— Ninon, Ninon, que fais-tu de la vie ?
L'heure s'enfuit, le jour succède au jour.
Rose ce soir, demain flétrie,
Comment vis-tu, toi qui n'as pas d'amour ?
NINON, s'éveillant.
Est-ce un rêve? J'ai cru qu'on chantait dans la cour.
LA VOIX, en dehors.
Regarde-toi, la jeune fille.
Ton cœur bat et ton œil pétille.
Aujourd'hui le printemps, Ninon, demain l'hiver.
Quoi ! tu n'as pas d'étoile et tu vas sur la mer !
Au combat sans musique, en voyage sans livre !
Quoi ! tu n'as pas d'amour et tu parles de vivre !
Moi, pour un peu d'amour je donnerais mes jours ;
Et je les donnerais pour rien sans les amours.
NINON.
Je ne me trompe pas ; — singulière romance !
Comment ce chanteur-là peut-il savoir mon nom ?
Peut-être sa beauté s'appelle aussi Ninon.
LA VOIX.
Qu'importe que le jour finisse et recommence,
Quand d'une autre existence
Le cœur est animé ?
Ouvrez-vous, jeunes fleurs. Si la mort vous enlève,
La vie est un sommeil, l'amour en est le rêve,
Et vous aurez vécu, si vous avez aimé.
NINON, soulevant sa jalousie.
Ses éperons d'argent brillent dans la rosée ;
Une chaîne à glands d'or retient son manteau noir.
Il relève en marchant sa moustache frisée. —
Quel est ce personnage, et comment le savoir ?
(À quoi rêvent les jeunes filles, I,1)