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Dixains Réalistes

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poétique

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Dixains Réalistes, par divers auteurs

Nina de Villard


Tandis que sur les quais flânent les paresseuses,
je regarde les lourds bateaux des blanchisseuses ;
il en sort des chansons, comme d’un nid d’oiseaux.
Les robustes bras blancs, en plongeant dans les eaux
que bleuit l’indigo, tordent le linge pâle, 
et le ciel au-dessus prend des lueurs d’opale. 
Moi, tout pensif, je rentre en murmurant tout bas : 
Ma mère n’est plus là pour repriser mes bas
et mettre un chapelet d’iris dans mon armoire....
Les nuages sur l’eau font des dessins de moire.

Nina de Villard

Charles Cros


Gagne-petit

Il a tout fait, tous les métiers. Sa simple vie
se passe loin du bruit, loin des cris de l’envie
et des ambitions vaines du boulevard.
Pour ce jour attendu, qui s’annonce blafard,
les savants ont prédit, avant l’heure où se couche
le soleil, une éclipse. Et sa maîtresse accouche,
apportant un enfant parmi tant de soucis !
Il compte, pour dîner, sur ses verres noircis.
Carrières de Montmartre, en vos antres de gypse,
abritez le marchand de verres pour éclipse !

Charles Cros

Noceur

Après avoir vidé toutes les coupes, toutes !
il faut enfin rentrer ; car mes fibres dissoutes,
dans les cafés criards, hantés par les catins,
ont froid dans la nuit lourde et les douteux matins.
Marchons. Voici grouiller déjà les gens des halles.
Je rougis, maraîchers, à voir vos blouses sales,
que rafraîchit l’odeur lointaine des labours.
Travailleurs, ignorants des malsaines amours,
vous entassez des choux sur le trottoir, sans même
vous douter de l’horreur qui suit le passant blême.

Charles Cros

Jean Richepin


Ô souvenance, sou retrouvé dans ma bourse !
Ce bandagiste était à côté de la Source ;
sur le panneau de gauche était peint un Vulcain
avec ces quatre vers sortant d’un brodequin :
« De mon père indigné, j’ai subi la colère,
quand du haut de l’Olympe, il me jeta sur terre ;
mais si l’orthopédie alors eût existé,
le reste de mes jours je n’aurais pas boité. »
Et je songe à l’amour où rien ne remédie :
— Pourquoi le cœur n’a-t-il pas son orthopédie ?

Jean Richepin

Antoine Cros


Bien que sa main soit rouge, elle n’est pas sans grâce ; 
debout, dans son échoppe étroite, sombre et grasse,
pour symphonie, elle a le chant, jusqu’à la nuit 
de la pomme de terre en tranche qui bruit 
dans le liquide noir où son disque se dore. 
Sans voir le savetier d’en face qui l’adore, 
ni le coiffeur si beau, ni le garçon boucher,
servante du légume ingrat, et sans broncher, 
elle en donne souvent, avec un air biblique, 
un grand cornet tout plein au pauvre famélique.

Antoine Cros

Maurice Rollinat


Certes, je plains l’aveugle, et sa prunelle opaque 
me navre ; et la peinture atroce de sa plaque, 
dont le rouge me fait songer à l’abattoir, 
m’a cloué bien souvent, morne, sur le trottoir. 
Mais l’aspect de son chien a de douloureux charmes 
pour mon cœur, et je suis remué jusqu’aux larmes 
quand je lui vois aux dents, l’été comme l’hiver, 
l’anse d’un petit seau de fer-blanc peint en vert.... 
Il implore les gens de ses bons yeux honnêtes : 
Ô bête ! sois bénie entre toutes les bêtes !...

Maurice Rollinat

Nina de Villard


On allume les becs de gaz ; dans la nuit bleue 
les étoiles aussi s’enflamment ; l’on fait queue 
devant les guichets des théâtres à succès 
qui font aux lycéens rêver tous les excès. 
Dans les kiosques on voit s’installer les marchandes 
d’oranges, de journaux, et de croquets d’amandes ; 
et déjà vient s’asseoir aux tables des cafés, 
cachant son front sous des frisons ébouriffés, 
pêchant les amoureux, comme on pêche à la ligne, 
la promeneuse du boulevard, fleur maligne.

Nina de Villard

Ce pauvre enfant vend des jouets à bon marché. 
Les gamins du faubourg, après avoir marché, 
après avoir, aux verts buissons, usé leurs vestes, 
viennent se reposer près des splendeurs modestes 
de l’étalage, où tout excite leur désir ; 
mais le petit marchand, seul, n’y prend pas plaisir, 
car, lui, c’est son métier de lancer la ficelle 
de la toupie, et l’aigre bruit de la crécelle 
le crispe ; le pantin lui fait, naïf bourreau, 
l’horreur qu’à l’employé fait son chef de bureau.

Nina de Villard

C’est la boutique des parfums à prix réduits.... 
La maigre commençante, habitant un taudis, 
mange, dans un bouillon, de noires matelottes 
pour économiser de quoi payer ses notes 
à la juive qui tient, habile, ce bazar. 
Car, c’est le billet pris, dans un jeu de hasard, 
c’est l’espoir, c’est la porte ouverte à la fortune, 
cette poudre de riz Rachel, fard de la brune !
Il faut bien éblouir, à l’angle d’un trottoir, 
le monsieur qui fera débuter quelque soir.

Nina de Villard

Le grand fiacre roulait avec un bruit berceur. 
Il était à ses pieds, perdu dans la douceur 
des frou-frous parfumés de sa robe de faille.
Elle dit : De bonheur, cher, mon âme défaille.... 
Il faisait nuit ; la lune évitait d’éclairer 
cette idylle : — « N’avez-vous rien à déclarer ? » 
dit la voix. On était devant une barrière, 
et le douanier stupide, entrouvrant la portière, 
ramena dans l’horreur de la réalité
ce beau couple envolé vers un monde enchanté.

Nina de Villard

L’été meurt. Sur les ceps pendent les grappes mûres ;
hors de l’armoire, on va secouer les fourrures 
qu’embaumait la senteur faible du vétivert. 
Pour la dernière fois allons dans le bois vert 
où nous avons dormi sur un tapis de menthes, 
dans la sérénité des chaleurs endormantes. 
J’accrocherai les plis neigeux de mes jupons 
aux ronces du sentier poudreux, grêles harpons ; 
accordons-nous ce doux sursis d’une journée.... 
Nous ferons ramoner demain la cheminée.

Nina de Villard

Charles Cros


Croquis de dos

Il travaille, le jour, dans un bazar tout neuf,
criant : « Tout est à treize, et là, tout à vingt-neuf ! »
Sa casquette est la plus superbe des casquettes,
en soie, et fait valoir ses courbes roufflaquettes.
Un foulard jaune tourne autour de son cou gras
et rouge, que font voir ses cheveux tondus ras.
Comme sa connaissance a, ce soir, de l’ouvrage,
il est libre et content. Car jamais il ne rage,
à moins qu’elle ne flâne. Aussi c’est d’un air grand
qu’il s’écrie au café : « Garçon ! un mazagran ! »

Charles Cros

Songe d’été

À d’autres les ciels bleus ou les ciels tourmentés,
la neige des hivers, le parfum des étés,
les monts où vous montez, fiertés aventurières 
des Anglaises. Mes yeux aiment mieux les clairières
où la charcuterie a laissé ses papiers,
les sentiers où l’on sent encor l’odeur des pieds
des soldats avec leurs payses, la presqu’île
de Gennevilliers, où croît l’asperge tranquille
sous l’irrigation puante des égouts...
On ne dispute pas des couleurs ni des goûts.

Charles Cros

Pituite

Ayant tout essayé, blême, je ne crois plus
aux amoureux musclés, soupeurs et chevelus ;
car moi, qui suis mourant à toutes les minutes,
tué par la recherche inquiète et les luttes
littéraires, je crains l’épuisante douceur
des chauds oaristys. Je voudrais une sœur,
une femme rêvant avec moi, côte à côte,
frissonnante, croyant qu’elle fait une faute,
et nous nous aimerions d’un amour immortel,
sans stores de voiture et sans chambre d’hôtel.

Charles Cros

Résipiscence

Celle qui m’apparaît, quand je clos mes yeux las, 
tricote un bas de laine. Elle a des bandeaux plats,
Elle a passé la fleur de ses jeunes années
dans des salons proprets, aux couleurs surannées,
et rêve d’épouser un substitut grivois.
Elle chante, avec un petit filet de voix :
« le départ d’Alcindor, les pleurs de son amante. »
son corsage montant et sa petite mante,
cache probablement un corps frêle et fiévreux : 
Il n’est pas étonnant que j’en sois amoureux.

Charles Cros

Morale

Sur des chevaux de bois enfiler des anneaux,
regarder un caniche expert aux dominos,
essayer de gagner une oie avec des boules,
respirer la poussière et la sueur des foules,
boire du coco tiède au gobelet d’étain
de ce marchand miteux qui fait ter lin tin tin,
rentrer se coucher seul, à la fin de la foire,
dormir tranquillement en attendant le gloire
dans un lit frais l’été, mais, l’hiver, bien chauffé,
tout cela vaut bien mieux que d’aller au café.

Charles Cros

Bénédiction

Des femmes en peignoir, portant la boîte au lait,
craignaient de se crotter et montraient leur mollet.
Ils étaient trois, vêtus d’ulsters garnis de martre.
Ils rentraient, ce matin, d’une orgie à Montmartre,
et ces trois débauchés riaient du doux café
que l’épouse, à l’époux au lit, sert bien chauffé.
Un prêtre, qui passait, rougit de ce blasphème.
Ils narguèrent le prêtre. Et l’un sifflota même
quelque chanson obscène, apprise aux Délass-Com.
Le prêtre simplement, leur dit : Pax vobiscum !

Charles Cros

Germain Nouveau


Muses, souvenez-vous du guerrier, — de l’ancien
qui ne fut général ni polytechnicien,
mais qui charma dix ans les mânes du grand Hômme !
Cet invalide était la gaîté de son dôme.
Mon cœur est plein du bruit de sa jambe de bois.
Pauvre vieux ! j’ai rêvé de vous plus d’une fois,
la nuit, quand passe au ciel, avec ses gros yeux vides,
la lune au nez d’argent, astre des invalides,
ou que le vent se meurt, comme un chant du départ...
Et j’ai fait encadrer le mot de faire-part.

Germain Nouveau

J’ai du goût pour la flâne, et j’aime, par les rues,
les réclames des murs fardés de couleurs crues,
la Redingote Grise, et Monsieur Gallopau ;
l’Hérissé qui rayonne au-dessous d’un chapeau ;
la femme aux cheveux faits de teintes différentes.
Je m’amuse bien mieux que si j’avais des rentes
avec l’homme des cinq violons à la fois,
Bornibus, la Maison n’est pas au coin du Bois ;
le kiosque japonais et la colonne-affiche...
Et je ne conçois pas le désir d’être riche.

Germain Nouveau

J’entrais chez le marchand de meubles, et là, triste,
(Savez-vous la chanson du petit Ébéniste ?)
j’allais, lui choisissant une chose à ses goûts,
C’est vers toi que je vins, Canapé-Lit-Leroux.
J’observai le ressort, me disant que cet homme
fit une chose utile, étant donné le somme.
J’appréciai le tout d’un mot technique et fin ;
si bien que le marchand, ému, me tend sa main
honnête, et dit : « Monsieur fabrique aussi sans doute ? »
Douce parole et qu’en mon cœur je grave toute.

Germain Nouveau

Je courais la Russie... — Oui, Monsieur, me dit-elle,
jaune et pâle, avec ça toute argot et dentelle ;
un breva dans ses doigts enfume un diamant.
Elle reprit : Eh bien, foi de femme qui ment,
quoi ! je trouve, un matin que j’étais seule au monde,
un cigare d’un rond, perdu dans ma profonde,
et qui causait avec de vieilles notes, là.
Je l’allumai dans un gai « laï tou la la »,
et j’ai connu, par un exil sans espérance,
le charme d’un petit bordeaux — sentant la France !

Germain Nouveau

Auguste de Chatillon


Je te rends cet hommage, orgueilleux marronnier ;
émule des lilas, tu leur fais concurrence.
C’est toi l’un des plus beaux de nos arbres en France ;
c’est toi leur précurseur, dans le temps printanier,
pour célébrer le vert de toute la nature,
et l’Hosanna caeli de toute créature,
Tes fleurs semblent des ifs éclairés à giorno !
Puis, tes fruits hérissés, enviés du jeune âge,
détachés tour à tour, tombent de ton feuillage,
et font de longs colliers d’un rouge de piano.

Auguste de Chatillon

Nina de Villard


Le petit employé de la poste restante
vient tard à son bureau ; son allure est très-lente ;
il s’assied renfrogné sur son fauteuil en cuir,
car il sait qu’au client il lui faudra servir
les lettres, les journaux à timbre coloriste,
et même les mandats !... Cet homme obscur est triste.
Il se dit, en flairant un billet parfumé,
qu’il ne voyage pas et qu’il n’est pas aimé,
que son nom, composé de syllabes comiques,
n’est jamais imprimé dans les feuilles publiques.

Nina de Villard

Je la voyais souvent au bureau d’omnibus
à l’heure de l’absinthe, après tous les bocks bus,
quand je rentrais troublé, fiévreux de la journée.
Et c’était un repos pour mon âme fanée
de rencontrer parfois cet ange en waterproof.
Sa forme jeune et pure, ignorante du pouf,
ses tresses sans chignon, son front sans maquillage,
et les réalités chastes de son corsage
m’ont fait rêver, portant le bouquet nuptial,
à la vierge qui lit mon nom dans un journal.

Nina de Villard

Germain Nouveau


Cheminant Rue aux Ours, un soir que dans la neige
s’effeuillait ma semelle en galette : — Oh ! que n’ai-je,
me dis-je, l’habit bleu barbeau, les boutons d’or,
la culotte nankin, et le gilet encor,
le beau gilet à fleurs où se fane la gloire
d’une famille, et, bien reprisés par Victoire,
le bas de cotonnade, et, chères aux nounous,
les syllabes en cœur du patois de chez nous....
Car un Bureau disait sur une plaque mince :
« On demande un jeune homme arrivant de province. »

Germain Nouveau

Charles Cros


Cœur simple

Dans les douces tiédeurs des chambres d’accouchées 
quand à peine, à travers les fenêtres bouchées,
entre un filet de jour, j’aime, humble visiteur,
le bruit de l’eau qu’on verse en un irrigateur,
et les cuvettes à l’odeur de cataplasme.
Puis la garde-malade avec son accès d’asthme,
les couches, où s’étend l’or des déjections,
qui sèchent en fumant devant les clairs tisons,
me rappellent ma mère aux jours de mon enfance ;
et je bénis ma mère, et le ciel, et la France !

Charles Cros

Tableau

Enclavé dans les rails, engraissé de scories,
leur petit potager plaît à mes rêveries.
Le père est aiguilleur à la gare de Lyon.
Il fait honnêtement et sans rebellion
son dur métier. Sa femme, hélas ! qui serait blonde,
sans le sombre glacis du charbon, le seconde.
Leur enfant, ange rose éclos dans cet enfer
fait des petits châteaux avec du mâchefer.
À quinze ans il vendra des journaux, des cigares :
Peut-être le bonheur n’est-il que dans les gares !

Charles Cros

Jours d’épreuve

Jadis je logeais haut, tout contre la gouttière :
Tapis souvent à ma fenêtre en tabatière,
rêvant à ma misère, à tant d’affronts subis,
j’écoutais les marchands de légumes, d’habits ;
et les tuyaux des toits, chefs-d’œuvre des fumistes,
rayaient de noir le fond de mes grands yeux si tristes....
J’entendais quelquefois un doux bruit de grelots ;
et me penchant j’aimais ce gros homme en sabots
qui se hâtait pour vendre aux phthysiques jeunesses
la consolation du tiède lait d’ânesses.

Charles Cros

Toute la semaine

Voici : La fin de la demi-journée approche ;
et l’on travaille bien en attendant la cloche.
Onze heures. On déserte en foule l’atelier.
L’ouvrier va manger, et peut-être lier
connaissance avec cette enfant, frêle ouvrière,
chez le traiteur fumeux où l’on sert l’ordinaire.
Mais l’apprenti n’a pas de ces luxes. Avec
une saucisse plate et deux sous de pain sec,
il déjeune ; pourvu qu’il trouve sur la place
votre eau limpide à boire, ô fontaines Wallace !

Charles Cros

Fiat lux

Il marche à l’heure vague où le jour tombe. Il marche,
portant ses hauts bâtons. Et, double ogive, l’arche
du pont encadre l’eau, couleur plume de coq.
Il a chaud et n’a pas le sou pour prendre un bock.
Mais partout où ses pas résonnent, la lumière
brille. C’est l’allumeur humble de réverbère
qui, rentrant pour la soupe, avec sa femme assis,
l’embrasse, éclairé par la chandelle des six,
sans se douter — aucune ignorance n’est vile —
qu’il a diamanté, simple, la grande ville.

Charles Cros

Paysage

Versailles où l’éclat des roses s’échelonne,
les jardins suspendus jadis à Babylone,
et les fruits de rubis des Mille et une Nuits,
ont charmé longuement mes innocents ennuis,
Mais, à présent, mûri par notre époque triste,
je fuis ces visions qui poursuivent l’artiste,
et mon regard rêveur s’abaisse volontiers
vers la loge, où, contents, végètent mes portiers :
Près du carreau poudreux où l’homme fait sa barbe
j’aime le petit pot où croupit la joubarbe.

Charles Cros

Germain Nouveau


On m’a mis au collège (oh ! les parents, c’est lâche !)
en province, dans la vieille ville de H...
J’ai quinze ans, et l’ennui du latin pluvieux !
Je vis, fumant d’affreux cigares dans les lieux ;
et je réponds quand on me prive de sortie :
« Chouette alors ! » préférant le bloc à la partie
d’écarté, chez le maire, où le soir, au salon,
honteux d’un liseré rouge à mon pantalon,
j’écoute avec stupeur ma tante (une nature !)
causer du dernier bal à la sous-préfecture.

Germain Nouveau

Charles Cros


Vue sur la cour

La cuisine est très-propre, et le pot-au-feu bout
sur le fourneau. La bonne, attendant son troubade,
épluche en bougonnant légumes et salade,
Ses doigts rouges et gras, avec du noir au bout,
trouvent les vers de terre entre les feuilles vertes.
On bat des traversins aux fenêtres ouvertes.
Mais voici le pays. Après un gros bonjour,
on lui donne la fleur du bouillon, leur amour
s’abrite à la vapeur du pot, chaud crépuscule....
Et je ne trouve pas cela si ridicule.

Charles Cros

Maurice Rollinat


Quand je menais la vie âpre du solitaire
je savais cuisiner, sur un fourneau de terre.
Je ne me souviens pas d’avoir eu le guignon
de manquer l’omelette ou la soupe à l’oignon.
Oh ! celle-là surtout dont ma pauvre amoureuse
raffolait ! Je savais la rendre savoureuse
et lui donner toujours la teinte et le parfum !
Aujourd’hui, quand je pense à ce passé défunt,
j’ai presque envie autant de pleurer que de rire.
Hélas ! où donc es-tu, petite poêle à frire ?

Maurice Rollinat

C’est vrai que dans la rue elle impose à chacun 
le charme singulier de son corps blond et brun. 
Sa crinière flottante a longueur, envergure 
et ténèbre ; tout rit dans sa fraîche figure 
où sous des sourcils noirs fleurissent des bluets. 
Ses oreilles sont deux coquillages fluets. 
Elle a des bras comme en ont les filles de fermes 
avec des petits doigts fuselés ; ses seins fermes 
tentent le peintre ardent qui les a copiés. 
Mais hélas ! elle pue horriblement des pieds !

Maurice Rollinat

Mon nostalgique amour de la côte et du val 
Se console à Paris dans un bouillon Duval, 
Qui pour moi, dîneur pauvre, est un café Vachette. 
En vérité, je donne un bon coup de fourchette, 
Car, outre l’appétit, j’ai rapporté cent francs. 
Mais aussi, cette bonne alerte, aux regards francs, 
Qui me sert, tous les soirs, la ronde Mortadelle 
Vient de s’apercevoir que je raffole d’elle, 
Et pas plus tard qu’hier, en m’offrant le menu, 
Elle m’a dit : « J’irai chez vous ! c’est convenu !... »

Maurice Rollinat

Aux portes des cafés, où s’attablent les vices,
elle va, tous les soirs, offrant des écrevisses
sur un petit clayon tapissé de persil.
Elle a l’œil en amande orné d’un grand sourcil,
et des cheveux frisés blonds comme de la paille.
Or, ses lèvres en fleur, qu’un sourire entrebaille,
tentent les carabins qui fument sur les bancs ;
et comme elle a les seins droits, et que, peu tombants,
ses jupons laissent voir sa jambe ronde et saine,
chacun d’eux lui chuchote un compliment obscène !

Maurice Rollinat

— Ô muse incorrigible, où faut-il que tu ailles ! — 
La dame au cabas vert bourré de victuailles 
suçotait par instants le goulot d’un flacon.
Que diable y buvait-elle ? — Or, soudain, le wagon 
s’emplit d’ombre ! — Un tunnel ! — J’agrippai la fiole, 
et j’aspirai : Goût nul ! — « C’est une babiole,
pensai-je, mais enfin, je suis fort intrigué... »
Et m’adressant à la dame, avec un air gai :
— Que buvez-vous ? lui dis-je, en frisant ma moustache...
— Elle me répondit : « Je ne bois pas ! Je crache ! »

Maurice Rollinat

Ma foi ! que ça te plaise, ou que ça te courrouce, 
c’est toi que j’aime, ô ma belle tripière rousse !
Tu fais si bien, assise à ton petit comptoir ! — 
Oh ! que ne suis-je pas un garçon d’abattoir,
bras nus, en gros sabots, et du sang à mes fripes ! — 
Je pourrais t’embrasser en t’apportant des tripes ; 
et pour toi, je serais un enjôleur si neuf 
qu’un jour tu me dirais entre deux cœurs de bœuf : 
— « Je suis honnête, mais je ne suis pas de pierre ! » — 
Et nous nous aimerions, ô ma belle tripière !

Maurice Rollinat

Germain Nouveau


On s’aimait, comme dans les romans sans nuage,
à Bobino, du temps de « Plaisirs au Village ».
Orphée alors chantait des blagues sur son luth ;
c’était l’époque où Chose inventait le mot « Zut ! »
où les lundis étaient tués par Sainte-Beuve.
Les Parnassiens charmés rêvaient la rime neuve ;
et cousin Pierre était encore au régiment.
Sans prévoir de sa part le moindre embêtement,
l’Empereux, au Français, s’invitait chez Molière.
Haussmann songeait : Faudra raser la Pépinière !

Germain Nouveau

C’est à la femme à barbe, hélas ! qu’il est allé,
le cœur de ce garçon, coiffeur inconsolé.
Pour elle il se ruine en savon de Thridace.
Ce lait d’Hébé (que veut-on donc que ça lui fasse ?)
ce vinaigre qu’un sieur Bully vend, l’eau (pardon !)
de Botot (exiger le véritable nom),
n’ont pu mordre sur cette idole de la foire.
Et s’il lui donne un jour la pâte épilatoire
que vous savez, l’Enfant murmurera tout bas :
Quelle est donc cette pâte ? et ne comprendra pas.

Germain Nouveau

Antoine Cros


Vantez vos instruments modernes ! que m’importe !
Le plus parfait est là, pendu près de ma porte. 
Son aiguille, sensible aux moindres mouvements, 
dévoile vos secrets, mobiles éléments, 
sur le cadran bleuâtre, aux bras d’or d’une lyre,
variable, beau fixe ou cyclône en délire.
Date : mil-sept-cent-vingt. « On en fait de meilleurs
aujourd’hui », dites-vous ? — Je n’en crois rien ! D’ailleurs, 
il est des sentiments dont le cœur n’est pas maître ; 
je ne crois qu’en toi seul, ô mon cher baromètre !

Antoine Cros

Maurice Rollinat


Défense de fumer au bureau ! — mais, qu’importe ! — 
J’entrouvre la fenêtre, et je ferme la porte.
Je m’assure que tout est bien enregistré ;
et, sur mon fauteuil vert à clous jaunes, vautré, 
pour que la rime d’or au bout du vers se pose,
je fume lentement, la paupière mi-close ! — 
Mais voilà que le chef, exécrable bourreau ; 
décapite mon rêve en entrant au bureau, 
et comme le garçon n’a pu me crier : « Gare ! » 
je me rôtis les doigts pour cacher mon cigare.

Maurice Rollinat

Ô funeste rencontre ! Au fond d’un chemin creux
se chauffait au soleil sur le talus ocreux
un gros aspic, plus long qu’un manche de quenouille.
Soudain le saut pesant d’une énorme grenouille
fit bouger la vipère endormie à moitié !...
Et je vis — car l’horreur étrangla ma pitié —
sa gueule se distendre, et toute grande ouverte,
se fermer lentement sur la victime verte...
Puis, le sommeil reprit le hideux animal !...
— La grenouille, c’est moi ! — le serpent, c’est le mal !

Maurice Rollinat

Hector l’Estraz


Près d’une femme à toque, et qui fait de l’esbrouff,
une fillette, à l’air honnête, en waterproof,
ayant sur ses genoux un grand carton de mode,
et serrée en son coin de peur d’être incommode,
s’en va reporter son ouvrage au boulevard.
Sa mine est humble et douce. — Et dans son bleu regard
je lis que son travail fait vivre son vieux père
qui n’est pas décoré, — quoiqu’ancien militaire,
quoiqu’ayant rhumatisme, et goutte, et cheveux gris !...
Et de la fière enfant je sens mon cœur épris !

Hector l’Estraz

Quand j’ouvre ma Patrie, en mon lit, le matin,
dédaigneux du premier Paris, du Bulletin,
sautant Chambre, et Sénat, et théâtre, avec rage...,
avidement je vais à la dernière page,
et lis le fait-divers avec émotion.
Meurtre, vol, incendie, accident, passion ;
voilà de quels récits s’émeut mon cœur sensible ;
et si parfois je lis qu’un Anglais, — chose horrible, — 
s’est jeté dans les eaux de Saint-Martin canal...,
des larmes de pitié roulent sur mon journal.

Hector l’Estraz

Maurice Rollinat


Je frissonne toujours, à l’aspect singulier
de certaine bottine ou de certain soulier.
Oui, — que pour me railler, vos épaules se haussent ! —
je frissonne ! Et soudain, songeant au pied qu’ils chaussent,
je me demande : « Est-il mécanique ou vivant ? »
Et je suis pas à pas le sujet, l’observant,
et cherchant l’appareil d’acier qui se dérobe
sous le pantalon fin ou sous la belle robe ;
et dès qu’il a relui, — maniaque aux abois,
sous le cuir élégant je flaire un pied de bois !

Maurice Rollinat

Germain Nouveau


Octobre, vers le vieux château, dont le portail
pleure et rit quelque part dans Ponson du Terrail,
guide cet excellent notaire de campagne
que vous avez connu, décent et noir, la cagne
aux genoux, mais qui, doux disciple de Rousseau,
fait ce voyage à pied, malgré la pluie à seau
lui détraquant un beau pépin rose, qu’il gère
d’une main molle ; il chante : « Il pleut, il pleut, Bergère, »
allègre, et certain d’être, ô le gros polisson !
le bienvenu du vieux château, cher à Ponson !

Germain Nouveau

Charles Frémine


Nous buvions du Sauterne et nous mangions des huîtres.
Or, le matin entrant comme un casseur de vitres,
elle agrafa sa robe et noua ses cheveux ; 
puis, ouvrant la fenêtre, elle me dit : « Je veux
des fraises ! Nous irons les cueillir par les halles ! »
L’Orient arborait ses pourpres automnales,
et les grands quais brumeux étaient bordés de fleurs.
Nous marchions. J’admirais ses récentes pâleurs
et ses regards fiévreux brillant sous la dentelle :
« Entrons donc à la Morgue, en passant, » me dit-elle.

Charles Frémine

Nina de Villard


Quand la lampe Carcel sur la table s’allume,
le bouilli brun paraît, escorté du légume, 
blanc navet, céleri, carotte à la rougeur 
d’aurore, et doucement, moi, je deviens songeur. 
Ce plat fade me plaît, me ravit ; il m’enchante :
c’est son jus qui nous fait la soupe succulente.
En le mangeant, je pense avec recueillement
à l’épouse qui, pour nourrir son rose enfant,
perd sa beauté, mais gagne à ce labeur austère,
un saint rayonnement trop pur pour notre terre.

Nina de Villard

Annexe : autres « Vieux Coppées »

Verlaine


Pour charmer tes ennuis, ô temps qui nous dévastes,
Je veux, durant cent vers coupés en dizains chastes
Comme les ronds égaux d’un même saucisson,
Servir aux amateurs un plat de ma façon.
Tout désir un peu sot, toute idée un peu bête
Et tout ressouvenir stupide mais honnête
Composeront le fier menu qu’on va licher.
Muse, accours, donne-moi ton ut le plus léger,
Et chantons notre gamme en notes bien égales,
À l’instar de Monsieur Coppée et des cigales.

Verlaine

Rimbaud


Je préfère sans doute, au printemps, la guinguette
Où des marroniers nains bourgeonne la baguette,
Vers la prairie étroite et communale, au mois
De mai. Des jeunes chiens rabroués bien des fois
Viennent près des Buveurs triturer des jacinthes
De plate-bande. Et c’est, jusqu’aux soirs d’hyacinthe,
Sur la table d’ardoise où, l’an dix-sept cent vingt
Un diacre grava son sobriquet latin
Maigre comme une prose à des vitraux d’église,
La toux des flacons noirs qui jamais ne les grise.

Rimbaud

Verlaine


Bien souvent dédaigneux des plaisirs de mon âge
J’évoque le bonheur des femmes de ménage.
Ayant changé de sexe en esprit, bien souvent,
Un cabas à mon bras et mon nez digne au vent,
J’ai débattu les prix avec des revendeuses.
Bien souvent sous le nez des bourgeoises grondeuses
J’ai, non sans quelque aplomb qu’on ne saurait nier,
Dirigé cette danse exquise du panier
Dont Paul de Kock nous parle en mainte parabole.
— La nuit vient. Je m’endors et j’aime Rocambole.

Verlaine

Rimbaud


Aux livres de chevet, livres de l’art serein,
Obermann et Genlis, Vert-vert et le Lutrin,
Blasé de nouveauté grisâtre et saugrenue,
J’espère, la vieillesse étant enfin venue,
Ajouter le traité du Docteur Venetti.
Je saurai, revenu du public abêti,
Goûter le charme ancien des dessins nécessaires.
Écrivain et graveur ont doré les misères
Sexuelles : et c’est, n’est-ce pas, cordial :
Dr Venetti, Traité de l’Amour conjugal.

Rimbaud

Verlaine


Dites, n’avez-vous pas, lecteurs, l’âme attendrie,
Contemplé quelquefois son image chérie ?
Tête pâle appuyée au revers de sa main,
César rêve d’hier et pense au lendemain.
Il évoque les jours de gloire et d’ordre, et songe
Aux jours où le crédit n’était pas un mensonge.
Au moins, il s’attendrit sur les chemins de fer
Très-mous et sur l’emprunt inférieur au pair,
Puis, triste, il rêve, cœur qu’on navre et qui s’effrite,
À sa si blanche, à sa si pâle Marguerite.

Verlaine

Bouillons-Duval

Digne et modeste dans sa chaire d’acajou
Le timide employé parmi le luxe fou
Que l’Entreprise doit à ce noir Bonaparte,
Tend au fier gastronome arrivant la pancarte
Qu’une servante va tout à l’heure pointer.
En le voyant si pâle, oh ! qui voudrait douter
Que c’est un orphelin de la guerre dernière ?
Un poëte, peut-être ! À coup sûr un bon frère
Qui peine, pour sauver un jour d’un sort si bas,
Sa sœur, fille de joie au loin, qui n’écrit pas !

Verlaine

Rimbaud


Le Balai

C’est un humble balai de chiendent, trop dur
Pour une chambre ou pour la peinture d’un mur.
L’usage en est navrant et ne vaut pas qu’on rie.
Racine prise à quelque ancienne prairie
Son crin inerte sèche : et son manche a blanchi.
Tel un bois d’île à la canicule rougi.
La cordelette semble une tresse gelée.
J’aime de cet objet la saveur désolée
Et j’en voudrais laver tes larges bords de lait,
Ô Lune où l’esprit de nos Sœurs mortes se plaît.

Rimbaud

Verlaine


Souvenir d’une enfance austèrement bébête
— Ô les commencements chétifs d’un grand poète : —
J’ai dans ma chambre deux images d’Épinal
Naïves que commente un texte marginal
Où la simplicité se mèle à l’énergie :
C’est Napoléon III terrassant l’Anarchie
Et c’est le plus clément des lions florentins.
— Soyez bénis, doux bois affreux, d’où je retins
Pour braver les dangers de cette vie amère,
L’amour de mon Pays et l’amour de ma Mère.

Verlaine

Rimbaud


Les soirs d’été, sous l’œil ardent des devantures,
Quand la sève frémit sous les grilles obscures
Irradiant au pied des grêles marroniers,
Hors de ces groupes noirs, joyeux ou casaniers,
Suceurs de brûle-gueule ou baiseurs du cigare,
Dans le kiosque mi-pierre étroit où je m’égare,
— Tandis qu’en haut rougeoie une annonce d’Ibled, —
Je songe que l’hiver figera le filet
D’eau propre qui bruit, apaisant l’onde humaine,
— Et que l’âpre aquilon n’épargne aucune veine.

Rimbaud

Verlaine


Les écrevisses ont mangé mon cœur qui saigne,
Et me voici logé maintenant à l’enseigne
De ceux dont Carjat dit : « C’était un beau talent,
Mais pas de caractère », et je vais, bras ballants,
Sans limite et sans but, ainsi qu’un fiacre à l’heure,
Pâle, à jeun, et trouvé trop c... par Gill qui pleure.
« Mourir, — dormir ! » a dit Shakspeare ; si ce n’est
Que ça, je cours vers la forêt que l’on connaît,
Et puisque c’est fictif, j’y vais pendre à mon aise
Ton beau poëte blond, faune barbizonnaise !

Verlaine

Paysage

Vers Saint-Denis c’est bête et sale la campagne.
C’est pourtant là qu’un jour j’emmenai ma compagne.
Nous étions de mauvaise humeur et querellions.
Un plat soleil d’été tartinait ses rayons
Sur la plaine séchée ainsi qu’une rôtie.
C’était pas trop après le Siège : une partie
Des « maisons de campagne » était à terre encor.
D’autres se relevaient comme on hisse un décor,
Et des obus tout neufs encastrés aux pilastres
Portaient écrit autour : Souvenir des désastres.

Verlaine

Rimbaud


État de siège ?

Le pauvre postillon, sous le dais de fer-blanc,
Chauffant une engelure énorme sous son gant,
Suit son lourd omnibus parmi la rive gauche,
Et de son aine en flamme écarte la sacoche.
Et tandis que, douce ombre où des gendarmes sont,
L’honnête intérieur regarde au ciel profond
La lune se bercer parmi la verte ouate,
Malgré l’édit et l’heure encore délicate,
Et que l’omnibus rentre à l’Odéon, impur
Le débauché glapit au carrefour obscur !

Rimbaud

J’occupais un wagon de troisième : un vieux prêtre 
Sortit un brûle-gueule et mit à la fenêtre,
Vers les brises, son front très calme aux poils pâlis.
Puis ce chrétien, bravant les brocards impolis,
S’étant tourné, me fit la demande énergique
Et triste en même temps d’une petite chique
De caporal, — ayant été l’aumônier-chef
D’un rejeton royal condamné derechef, —
Pour malaxer l’ennui d’un tunnel, sombre veine
Qui s’offre aux voyageurs, près Soissons, ville d’Aisne.

Rimbaud

Verlaine


Tantalized

L’aile où je suis donnant juste sur une gare,
J’entends de nuit (mes nuits sont blanches) la bagarre
Des machines qu’on chauffe et des trains ajustés,
Et vraiment c’est des bruits de nids répercutés
À des dieux de fonte et de verre et gras de houille.
Vous n’imaginez pas comme cela gazouille
Et comme l’on dirait des efforts d’oiselets
Vers des vols tout prochains à des cieux violets
Encore et que le point du jour éclaire à peine.
Ô ces wagons qui vont dévaler dans la plaine !

Verlaine

Le sous-chef est absent du bureau : j’en profite
Pour aller au café le plus proche au plus vite.
J’y bois à petits coups, en clignotant des yeux,
Un mazagran avec deux doigts de cognac vieux
Puis je lis — et quel sage à ces excès résiste —
Le Journal des Débats, étant orléaniste.
Quand j’ai lu mon journal et bu mon mazagran
Je rentre à pas de loup au bureau : mon tyran
N’est pas là, par bonheur, sans quoi mon algarade
M’eût valu les brocards de plus d’un camarade.

Verlaine

Endiguons les ruisseaux : les prés burent assez.
Bonsoir lecteur, et vous lectrice qui pensez
D’ailleurs bien plus à Worth qu’aux sons de ma guimbarde
Agréez le salut respectueux du barde
Indigne de vos yeux abaissés un instant
Sur ces cent vers que scande un rhythme équilistant ;
Et vous, protes, n’allez pas rendre encore pire
Qu’il ne l’est, ce pastiche infâme d’une lyre
Dûment appréciée entre tous gens de goût
Par des coquilles trop navrantes. — Et c’est tout ! —

Verlaine

Germain Nouveau


À l’église

Elle était à genoux et montrait son derrière
Dans le recueillement profond de la prière.
Pour le mieux contempler j’approchai de son banc :
Sous la jupe levée il me sembla si blanc
Que dans le temple vide où nulle ombre importune
N’apparaissait au loin par le bleu clair de lune,
Sans troubler sa ferveur je me fis son amant.
Elle priait toujours. Je perçus vaguement
Qu’elle bénissait Dieu dans le doux crépuscule.
Et je n’ai pas trouvé cela si ridicule.

Germain Nouveau

Ce texte électronique a été mis au point à partir de la numérisation Gallica des Dizains réalistes.
Des dizains supplémentaires, provenant des œuvres de Verlaine et Rimbaud, suivent en annexe.
Pour les participations de Charles Cros, il a été tenu compte de certains changements effectués par leur auteur
dans le Coffret de Santal (ajouts de titres, essentiellement).
Ce texte peut être utilisé librement pour tout usage non commercial ;
autrement, me contacter : http://www.florilege.free.fr/florilege/mailxian.htm.
La première version de cette page fut mise en ligne en 1996 sur le site des EMV.
Présente version générée le 25 mars 2008.

Dixains réalistes

Table ++××
Dixains Réalistes, par divers auteurs +×
Nina de Villard
Charles Cros
Jean Richepin
Antoine Cros
Maurice Rollinat
Nina de Villard
Charles Cros
Germain Nouveau
Auguste de Chatillon
Nina de Villard
Germain Nouveau
Charles Cros
Germain Nouveau
Charles Cros
Maurice Rollinat
Germain Nouveau
Antoine Cros
Maurice Rollinat
Hector l’Estraz
Maurice Rollinat
Germain Nouveau
Charles Frémine
Nina de Villard
Annexe : autres « Vieux Coppées » +×