Tristan CORBIERE (1846-1875)


Les Amours Jaunes (1873)

Guitare
La Rapsode foraine
Le mousse
Petit mort pour rire

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Guitare
Je sais rouler une amourette
	En cigarette,
Je sais rouler l'or et les plats !
Et les filles dans de beaux draps !

Ne crains pas de longueurs fidèles :
Pour mules mes pieds ont des ailes ;
Voleur de nuit, hibou d'amour,
	M'envole au jour.

Connais-tu Psyché ? - Non ? - Mercure ?...
Cendrillon et son aventure ?
- Non ? - ... Eh bien ! tout cela, c'est moi :
	Nul ne me voit.

Et je te laisserais bien fraîche
Comme un petit Jésus en crèche,
Avant le rayon indiscret...
	- Je suis si laid ! -

Je sais flamber en cigarette,
	Une amourette,
Chiffonner et flamber les draps,
Mettre les filles dans les plats !




Tristan CORBIERE

Le mousse
Mousse : il est donc marin, ton père ?...
- Pêcheur. Perdu depuis longtemps.
En découchant d'avec ma mère,
Il a couché dans les brisants...

Maman lui garde au cimetière
Une tombe - et rien dedans - 
C'est moi son mari sur la terre,
Pour gagner du pain aux enfants.

Deux petits. - Alors, sur la plage,
Rien n'est revenu du naufrage ?...
- Son garde-pipe et son sabot...

La mère pleure, le dimanche,
Pour repos... Moi, j'ai ma revanche
Quand je serai grand - matelot ! -

			Baie des Trépassés.



Tristan CORBIERE

Petit mort pour rire
Va vite, léger peigneur de comètes !
Les herbes au vent seront tes cheveux ;
De ton oeil béant jailliront les feux
Follets, prisonniers dans les pauvres têtes...

Les fleurs de tombeau qu'on nomme Amourettes
Foisonneront plein ton rire terreux...
Et les myosotis, ces fleurs d'oubliettes...

Ne fais pas le lourd : cercueils de poètes
Pour les croque-morts sont de simples jeux,
Boîtes à violon qui sonnent le creux...
Ils te croiront mort - Les bourgeois sont bêtes -
Va vite, léger peigneur de comètes !




Tristan CORBIERE

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