Paul ELUARD (1895-1952)


Capitale de la douleur (1926)

L'amoureuse
Sans rancune
«La courbe de tes yeux...»
L'amour la poésie (1929)

«Je te l'ai dit...»
Cours naturel (1938)

Quelques-uns des mots qui ...
Au rendez-vous allemand (1944)

Comprenne qui voudra
Pouvoir tout dire (1951)

Bonne justice
Le Phénix (1951)

Le Phénix

- Sommaire - Contemporains - Bibliographie -


L'amoureuse
Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s'engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.

Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s'évaporer les soleils,
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.



Paul ELUARD

© Gallimard


Sans rancune
Larmes des yeux, les malheurs des malheureux,
Malheurs sans intérêt et larmes sans couleurs.
Il ne demande rien, il n'est pas insensible,
Il est triste en prison et triste s'il est libre.

Il fait un triste temps, il fait une nuit noire
A ne pas mettre un aveugle dehors. Les forts
Sont assis, les faibles tiennent le pouvoir
Et le roi est debout près de la reine assise.

Sourires et soupirs, des injures pourrissent
Dans la bouche des muets et dans les yeux des lâches.
Ne prenez rien : ceci brûle, cela flambe !
Vos mains sont faites pour vos poches et vos fronts.




Paul ELUARD

© Gallimard




La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.




Paul ELUARD

© Gallimard




Je te l'ai dit pour les nuages
Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer
Pour chaque vague pour les oiseaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l'oeil qui devient visage ou paysage
Et le soleil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l'ai dit pour tes pensées pour tes paroles
Toute caresse toute confiance se survivent.



Paul ELUARD

© Gallimard


Quelques-uns des mots qui ...
JUSQU'ICI
 M ' E T A I E N T    M Y S T E R I E U S E M E N T
 I     N     T     E      R     D     I     T     S


		   LE MOT
		 cimetière

	      aux autres de rêver
		    d'un
		 CIMETIERE
		a r d e n t



		   LE MOT
		maisonnette

	    On le trouve souvent
	dans les annonces des journaux
 	      dans les chansons

Il  a  des  rides      Il a un dé au doigt
C ' E S T     U N	C ' E S T     U N	
V I E I L L A R D	P E R R O Q U E T
T  R A V E S T  I	M	U	R



		 pétrole

		  CONNU
	 PAR DES EXEMPLES PRECIEUX

	 A U X  M A I N S  D E S 
	I  N  C  E  N  D  I  E  S



		neurasthénie
		  un mot
	     qui n'a pas honte

		 une ombre
		 de cassis

		 e n t r e

	  d  e  u  x    y  e  u  x

	 p   a    r   e   i   l   s



		   LE MOT
		   créole


		TOUT EN LIEGE
	    s u r  d u  s a t i n



		     LE MOT
		b a i g n o i r e

		     QUI EST
		T R A I N é  par des
		     CHEVAUX
		    PARFAITS

		plus laids que des
		   BéQuilLeS


			la
		   s          l
		 ou            am
		 s    CE SOIR   pe

		     charmille

			EST
			U N
		    P R E N O M


			ET
		     maîtrise

			UN
		    M I R O I R

		   o ù   t o u t
		   S  '  I M M O
		   B  I  L I S E




		      fileuse

		    mot fondant




		       hamac

		   T R E I L L E
		    P I L L E E



		      olivier

		     CHEMINEE
		   au tambour de
		      lueurs

		    le  clavier
		   des troupeaux

		    s'assourdit
	     d a n s  l a  p l a i n e



		     forteresse





		     M A L I C E
			vaine



		      vénéneux

		    R I D E A U
		     D 'ACAJOU


		      guéridon
			G r I
			 m A
			 C e
			  é
			L a S
			 t I
			q U e



			cognée



			erreur
		      j o u é e
		       aux dés



			voyelle

		t i m b r e
		I M M E N S E
		   S A N G L O T
			 d'étain

			RIRE
		   de bonne terre


			LE MOT
			déclic

			V I O L
		    l u m i n e u x

		       EPHEMERE
			A Z U R
		    dans les veines


			LE MOT
			bolide

		    g é r a n i u m
		     à  la  fenêtre

		     o u v e r t e

		     sur  un  coeur
		     b a t t a n t


			 LE  MOT
			 carrure

			B L  O C
			d'ivoire


		     PAIN PETRIFIE


	    p l u m e s   m o u i l l é e s
 


			 LE  MOT
			 déjouer


			a l c o o l
			F L E T R I

			P A L I E R
			sans portes


		  M O R T  L Y R I Q U E



			   LE MOT
			   garçon


			  C O M M E
			u n   î l o t



		myrtille
		  lave
		    galon
		      cigare
			léthargie
			  bleuet
			    cirque
			      fusion


			combien  reste-t-il
			D E  C E S  M O T S

			qui ne me  menaient

			   à   r i e n



			    M   O   t   S

			M E R V E I L L E U X


			    commme les
			      AUTRES



			    O   M O n

			   e M P i r e

			  D ' H O M M E



			      MOTS
			que j'écris ici
		   contre  toute  évidence

			      avec

			le grand souci
		    D E   T O U T   D I R E


Paul ELUARD

© Gallimard


Bonne justice
C'est la chaude loi des hommes
Du raisin ils font du vin
Du charbon ils font du feu
Des baisers ils font des hommes

C'est la dure loi des hommes
Se garder intact malgré
Les guerres et la misère
Malgré les dangers de mort

C'est la douce loi des hommes
De changer l'eau en lumière
Le rêve en réalité
Et les ennemis en frères

Une loi vieille et nouvelle
Qui va se perfectionnant
Du fond du coeur de l'enfant
Jusqu'à la raison suprême.



Paul ELUARD

© Gallimard


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