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AIR Tout l'univers obéit à l'Amour ; Belle Psyché, soumettez-lui votre âme. Les autres Dieux à ce Dieu font la cour, Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme. Des jeunes coeurs c'est le suprême bien : Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien. Sans cet Amour, tant d'objets ravissants, Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines, N'ont point d'appas qui ne soient languissants, Et leurs plaisirs sont moins doux que ses peines. Des jeunes coeurs c'est le suprême bien : Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.
[...] Le plus grand de mes souhaits Est de voir, avant les roses, L'Infante avecque la Paix ; Car ce sont deux belles choses Ô Paix, infante des cieux, Toi qui tout heur accompagne, Viens vite embellir ces lieux Avec l'Infante d'Espagne. Chasse des soldats gloutons La troupe fière et hagarde, Qui mange tous mes moutons, Et bat celui qui les garde. Délivre ce beau séjour De leur brutale furie, Et ne permets qu'à l'Amour D'entrer dans la bergerie. Fais qu'avecque le berger On puisse voir la bergère, Qui coure d'un pied léger, Qui danse sur la fougère, Et qui, du berger tremblant Voyant le peu de courage, S'endorme ou fasse semblant De s'endormir à l'ombrage. Ô Paix ! source de tout bien, Viens enrichir cette terre, Et fais qu'il n'y reste rien Des images de la guerre. Accorde à nos longs désirs De plus douces destinées ; Ramène-nous les plaisirs, Absents depuis tant d'années. Étouffe tous ces travaux, Et leurs semences mortelles : Que les plus grands de nos maux Soient les rigueurs de nos belles ; Et que nous passions les jours Étendus sur l'herbe tendre, Prêts à conter nos amours À qui voudra les entendre.
Un pauvre Bûcheron, tout couvert de ramée, Sous le faix du fagot aussi bien que des ans Gémissant et courbé, marchait à pas pesants, Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée. Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur, Il met bas son fagot, il songe à son malheur, Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ? En est-il un plus pauvre en la machine ronde ? Point de pain quelquefois, et jamais de repos. Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts, Le créancier et la corvée Lui font d'un malheureux la peinture achevée. Il appelle la Mort. Elle vient sans tarder, Lui demander ce qu'il faut faire. « C'est, dit-il, afin de m'aider À recharger ce bois ; tu ne tarderas guère. » Le trépas vient tout guérir ; Mais ne bougeons d'où nous sommes : Plutôt souffrir que mourir, C'est la devise des hommes.
Une Montagne en mal d'enfant Jetait une clameur si haute, Que chacun au bruit accourant Crut qu'elle accoucherait sans faute, D'une Cité plus grosse que Paris : Elle accoucha d'une Souris. Quand je songe à cette Fable Dont le récit est menteur Et le sens est véritable, Je me figure un Auteur Qui dit : Je chanterai la guerre Que firent les Titans au Maître du tonnerre. C'est promettre beaucoup : mais qu'en sort-il souvent ? Du vent.
Les Levantins en leur légende Disent qu'un certain Rat las des soins d'ici-bas, Dans un fromage de Hollande Se retira loin du tracas. La solitude était profonde, S'étendant partout à la ronde. Notre ermite nouveau subsistait là-dedans. Il fit tant de pieds et de dents Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage Le vivre et le couvert : que faut-il davantage ? Il devint gros et gras ; Dieu prodigue ses biens À ceux qui font voeux d'être siens. Un jour, au dévot personnage Des députés du peuple Rat S'en vinrent demander quelque aumône légère : Ils allaient en terre étrangère Chercher quelque secours contre le peuple chat ; Ratopolis était bloquée : On les avait contraints de partir sans argent, Attendu l'état indigent De la République attaquée. Ils demandaient fort peu, certains que le secours Serait prêt dans quatre ou cinq jours. Mes amis, dit le Solitaire, Les choses d'ici-bas ne me regardent plus : En quoi peut un pauvre Reclus Vous assister ? que peut-il faire, Que de prier le Ciel qu'il vous aide en ceci ? J'espère qu'il aura de vous quelque souci. Ayant parlé de cette sorte, Le nouveau Saint ferma sa porte. Qui désignai-je, à votre avis, Par ce Rat si peu secourable ? Une Moine ? Non, mais un Dervis : Je suppose qu'un Moine est toujours charitable.
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