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L'Armand-Béhic (des Messageries Maritimes) File quatorze noeuds sur l'Océan Indien... Le soleil se couche en des confitures de crimes, Dans cette mer plate comme avec la main. - Miss Roseway, qui se rend à Adélaïde, Vers le Sweet Home au fiancé australien, Miss Roseway, hélas, n'a cure de mon spleen ; Sa lorgnette sur les Laquedives, au loin... - Je vais me préparer - sans entrain ! - pour la fête De ce soir : sur le pont, lampions, danses, romances (Je dois accompagner miss Roseway qui quête - Fort gentiment - pour les familles des marins Naufragés !) Oh, qu'en une valse lente, ses reins À mon bras droit, je l'entraîne sans violence Dans un naufrage où Dieu reconnaîtrait les siens...
Dans la véranda de sa case, à Brazzaville, Par un torride clair de lune congolais Un sous-administrateur des colonies Feuillette les « Poésies » d'Alfred de Musset... Car il pense encore à cette jolie Chilienne Qu'il dut quitter en débarquant, à Loango... - C'est pourtant vrai qu'elle lui dit « Paul je vous aime », À bord de la « Ville de Pernambuco ». Sous le panka qui chasse les nombreux moustiques Il maudit « ce rivage où l'attache sa grandeur », Donne un soupir à ses amours transatlantiques, Se plaint de la brusquerie de M. le Gouverneur, Et réprouve d'une façon très énergique La barbarie des officiers envers les noirs... Et le jeune et sensitif fonctionnaire Tâche d'oublier et ferme les yeux... « Regrettez-vous le temps où le ciel sur la terre Marchait et respirait sans un peuple de dieux, Où Vénus Astarté, fille de l'onde amère... ? »
Ni les attraits des plus aimables Argentines, Ni les courses à cheval dans la pampa, N'ont le pouvoir de distraire de son spleen Le Consul général de France à la Plata ! On raconte tout bas l'histoire du pauvre homme : Sa vie fut traversée d'un fatal amour, Et il prit la funeste manie de l'opium ; Il occupait alors le poste à Singapoore... - Il aime à galoper par nos plaines amères, Il jalouse la vie sauvage du gaucho, Puis il retourne vers son palais consulaire, Et sa tristesse le drape comme un poncho... Il ne s'aperçoit pas, je n'en suis que trop sûr, Que Lolita Valdez le regarde en souriant, Malgré sa tempe qui grisonne, et sa figure Ravagée par les fièvres d'Extrème-Orient...
L'Écosse s'est voilée de ses brumes classiques, Nos plages et nos lacs sont abandonnés ; Novembre, tribunal suprême des phtisiques, M'exile sur les bords de la Méditerranée... J'aurai un fauteuil roulant « plein d'odeurs légères » Que poussera lentement un valet bien stylé Un soleil doux vernira mes heures dernières, Cet hiver, sur la Promenade des Anglais... Pendant que Jane, qui est maintenant la compagne D'un sain et farouche éleveur de moutons Émaille de sa grâce une prairie australe De plus de quarante milles carrés, me dit-on, Et quand le sang pâle et froid de mon crépuscule Aura terni le flot méditerranéen, Là-bas, dans la Nouvelle Galles du Sud, L'aube d'un jour d'été l'éveillera... C'est bien !...
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