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Dedans mon Livre de Pensée, J'ai trouvé écrivant mon coeur La vraie histoire de douleur, De larmes toute enluminée, En effaçant la très aimée Image de plaisant douceur, Dedans mon Livre de Pensée ! Hélas ! où l'a mon coeur trouvée ? Les grosses gouttes de sueur Lui saillent, de peine et labeur Qu'il y prend, de nuit et journée, Dedans mon Livre de Pensée !
Que nous en faisons De telles manières, Et douces et fières, Selon les saisons ! En champs ou maisons, Par bois et rivières, Que nous en faisons De telles manières ! Un temps nous taisons, Tenant assez chères Nos joyeuses chères, Puis nous apaisons. Que nous en faisons !
Fermez-lui l'huis au visage Mon coeur, à Mélancolie Gardez qu'elle n'entre mie Pour gâter notre ménage Comme le chien plein de rage Chassez-la, je vous en prie Fermez-lui l'huis au visage Mon coeur, à Mélancolie C'est trop plus notre avantage D'être sans sa compagnie Car toujours nous tance, et crie, Et nous porte grand dommage. Fermez-lui l'huis au visage.
En la forêt d'Ennuyeuse Tristesse, Un jour m'advint qu'à part moi cheminais, Si rencontrai l'Amoureuse Déesse Qui m'appela, demandant où j'allais. Je répondis que, par Fortune, étais Mis en exil en ce bois, long temps a, Et qu'à bon droit appeler me pouvait L'homme égaré qui ne sait où il va. En souriant, par sa très grande humblesse, Me répondit : « Ami, si je savais Pourquoi tu es mis en cette détresse, À mon pouvoir volontiers t'aiderais ; Car, jà piéça, je mis ton coeur en voie De tout plaisir, ne sais qui l'en ôta ; Or me déplaît qu'à présent je te vois L'homme égaré qui ne sait où il va. » - Hélas ! dis-je, souveraine Princesse, Mon fait savez, pourquoi le vous dirais ? C'est par la Mort qui fait à tous rudesse, Qui m'a tollu celle que tant aimais, En qui était tout l'espoir que j'avais, Qui me guidait, si bien m'accompagna En son vivant, que point ne me trouvais L'homme égaré qui ne sait où il va. « Aveugle suis, ne sais où aller dois ; De mon bâton, afin que ne fourvoie, Je vais tâtant mon chemin çà et là ; C'est grand pitié qu'il convient que je soie L'homme égaré qui ne sait où il va ! »
Dieu, qu'il la fait bon regarder La gracieuse, bonne et belle ! Pour les grands biens qui sont en elle Chacun est prêt de la louer. Qui se pourrait d'elle lasser ? Toujours sa beauté renouvelle. Dieu, qu'il la fait bon regarder La gracieuse, bonne et belle ! Par-deçà ni delà la mer Ne sais dame ni demoiselle Qui soit en tous biens parfaits telle. C'est un songe que d'y penser. Dieu, qu'il la fait bon regarder !
Jeunes amoureux nouveaux, En la nouvelle saison, Par les rues, sans raison Chevauchent faisant les sauts. Et font saillir des carreaux Le feu, comme de charbon : Jeunes amoureux nouveaux En la nouvelle saison. Je ne sais si leurs travaux Ils emploient bien ou non ; Mais piqués de l'éperon Sont autant que leurs chevaux, Jeunes amoureux nouveaux.
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