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NÉRON ... Excité d'un désir curieux, Cette nuit je l'ai vue arriver en ces lieux, Triste, levant au ciel ses yeux mouillés de larmes, Qui brillaient au travers des flambeaux et des armes ; Belle, sans ornements, dans le simple appareil D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil. Que veux-tu ? Je ne sais si cette négligence, Les ombres, les flambeaux, les cris et le silence, Et le farouche aspect de ses fiers ravisseurs Relevaient de ses yeux les timides douceurs. Quoi qu'il en soit, ravi d'une si belle vue, J'ai voulu lui parler, et ma voix s'est perdue : Immobile, saisi d'un long étonnement, Je l'ai laissé passer dans son appartement. J'ai passé dans le mien. C'est là que, solitaire, De son image en vain j'ai voulu me distraire : Trop présente à mes yeux, je croyais lui parler ; J'aimais jusqu'à ses pleurs que je faisais couler. Quelquefois, mais trop tard, je lui demandais grâce ; J'employais les soupirs, et même la menace. Voilà comme, occupé de mon nouvel amour, Mes yeux, sans se fermer, ont attendu le jour...
Quel charme vainqueur du monde Vers Dieu m'élève aujourd'hui ? Malheureux l'homme qui fonde Sur les hommes son appui ! Leur gloire fuit, et s'efface En moins de temps que la trace Du vaisseau qui fend les mers, Ou de la flèche rapide Qui loin de l'oeil qui la guide Cherche l'oiseau dans les airs. De la Sagesse immortelle La voix tonne, et nous instruit. « Enfants des hommes, dit-elle, De vos soins quel est le fruit ? Par quelle erreur, âmes vaines, Du plus pur sang de vos veines Achetez-vous si souvent, Non un pain qui vous repaisse, Mais une ombre qui vous laisse Plus affamés que devant ? « Le pain que je vous propose Sert aux Anges d'aliment : Dieu lui-même le compose De la fleur de son froment. C'est ce pain si délectable Que ne sert point à sa table Le monde que vous suivez. Je l'offre à qui me veut suivre. Approchez. Voulez-vous vivre ? Prenez, mangez, et vivez. » Ô Sagesse, ta parole Fit éclore l'univers, Posa sur un double pôle La terre au milieu des mers. Tu dis, et les cieux parurent, Et tous les astres coururent Dans leur ordre se placer. Avant les siècles tu règnes ; Et qui suis-je, que tu daignes Jusqu'à moi te rabaisser ? Le Verbe, image du Père, Laissa son trône éternel, Et d'une mortelle mère Voulut naître homme et mortel. Comme l'orgueil fut le crime Dont il naissait la victime, Il dépouilla sa splendeur, Et vint, pauvre et misérable, Apprendre à l'homme coupable Sa véritable grandeur. L'âme heureusement captive Sous ton joug trouve la paix, Et s'abreuve d'une eau vive Qui ne s'épuise jamais. Chacun peut boire en cette onde : Elle invite tout le monde ; Mais nous courons follement Chercher des sources bourbeuses Ou des citernes trompeuses D'où l'eau fuit à tout moment.
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