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L'Aurore sur le front du jour Sème l'azur, l'or et l'ivoire, Et le Soleil, lassé de boire, Commence son oblique tour. Ses chevaux, au sortir de l'onde, De flamme et de clarté couverts, La bouche et les naseaux ouverts, Ronflent la lumière du monde. Ardents ils vont à nos ruisseaux Et dessous le sel et l'écume Boivent l'humidité qui fume Sitôt qu'ils ont quitté les eaux. La Lune fuit devant nos yeux ; La nuit a retiré ses voiles ; Peu à peu le front des étoiles S'unit à la couleur des Cieux. Les ombres tombent des montagnes, Elles croissent à vue d'oeil, Et d'un long vêtement de deuil Couvrent la face des campagnes. Le soleil change de séjour Il pénètre le sein de l'onde, Et par l'autre moitié du monde, Pousse le chariot du jour. Déjà la diligente avette Boit la marjolaine et le thym, Et revient riche du butin Qu'elle a pris sur le mont Hymette. Je vois le généreux lion Qui sort de sa demeure creuse, Hérissant sa perruque affreuse, Qui fait fuir Endymion. Sa dame, entrant dans les bocages, Compte les sangliers qu'elle a pris, Ou dévale chez les esprits Errant aux sombres marécages. Je vois les agneaux bondissants Sur les blés qui ne font que naître ; Cloris, chantant, les mène paître Parmi ces côteaux verdissants. Les oiseaux, d'un joyeux ramage, En chantant semblent adorer La lumière qui vient dorer Leur cabinet et leur plumage. Le blé paraît en ses couleurs, La bergère aux champs revenue Mouillant sa jambe toute nue Foule les herbes et les fleurs. La charrue écorche la plaine ; Le bouvier, qui suit les sillons, Presse de voix et d'aiguillons Le couple de boeufs qui l'entraîne. Alix apprête son fuseau ; Sa mère, qui lui fait la tâche, Presse le chanvre qu'elle attache À sa quenouille de roseau. Une confuse violence Trouble le calme de la nuit, Et la lumière, avec le bruit, Dissipe l'ombre et le silence. Alidor cherche à son réveil L'ombre d'Iris qu'il a baisée, Et pleure en son âme abusée La fuite d'un si doux sommeil. Les bêtes sont dans leur tanière, Qui tremblent de voir le Soleil. L'homme, remis par le sommeil, Reprend son oeuvre coutumière. Le forgeron est au fourneau : Oy comme le charbon s'allume ! Le fer rouge, dessus l'enclume, Étincelle sous le marteau. Cette chandelle semble morte, Le jour la fait évanouir ; Le Soleil vient nous éblouir : Vois qu'il passe au travers la porte ! Il est jour : levons-nous, Philis ; Allons à notre jardinage, Voir s'il est, comme ton visage, Semé de roses et de lys.
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