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Évariste Parny
 

      Que le bonheur arrive lentement !
      Que le bonheur s'éloigne avec vitesse !
      Durant le cours de ma triste jeunesse,
      Si j'ai vécu, ce ne fut qu'un moment.
      Je suis puni de ce moment d'ivresse.
      L'espoir qui trompe a toujours sa douceur,
      Et dans nos maux du moins il nous console ;
      Mais loin de moi l'illusion s'envole,
      Et l'espérance est morte dans mon coeur.
      Ce coeur, hélas ! que le chagrin dévore,
      Ce coeur malade et surchargé d'ennui,
      Dans le passé veut ressaisir encore
      De son bonheur la fugitive aurore,
      Et tous les biens qu'il n'a plus aujourd'hui ;
      Mais du présent l'image trop fidèle
      Me suit toujours dans ces rêves trompeurs,
      Et sans pitié la vérité cruelle
      Vient m'avertir de répandre des pleurs.
      J'ai tout perdu : délire, jouissance,
      Transports brûlants, paisible volupté,
      Douces erreurs, consolante espérance,
      J'ai tout perdu ; l'amour seul est resté.