Michault le Caron, dit Taillevent 

 
   

[...] Pauvre et vieil qui n’a patience,
En désespoir tous les jours vit,
Que folie est, non pas science,
Et plaint le temps que les jours vit
Que rien à son fait ne pourvit ;
Mais c’est tard à ses faits pensé :
À ravoir n’est le temps passé.
 
De pauvre homme adès pauvre songe ;
De pauvre saint pauvre chapelle ;
Pauvre homme, ce n’est point mensonge,
La mort huche, la mort appelle,
À tout sa houe, à tout sa pelle :
Mais la Mort fait l’oreille sourde.
N’est mal qu’en pauvreté ne sourde.
 
Chère adès honteuse et confuse
Fait pauvre homme, et fol se reproche.
Mort requiert, mais Mort le refuse,
Ne jà de plus près ne l’approche.
Puis vient Pauvreté qui l’accroche
Parmi ses membres à ses doigts :
Pauvre et vieil est mis à ses droits.
 
Pour ce, temps passé pleure et plaint,
Pleure semaine et pleure ans
Qu’il a gâté et se complaint
Que Mort ne clôt ses yeux pleurants ;
Et hait ses jours mal colorants
Esquels fait moulin ne four n’a :
Tel pain mange on qu’en enfourna...
 
À l’hiver qui est grand et froid
Suis venu ; hors de joie j’is,
Dont je doute les grands effrois
Qui pourraient courre en mon logis,
Car en un hôtel loge et gis
Ou de toutes parts bise vente.
Ou rien n’a, tout est mis en vente. [...]

 

   

[...] Povre et viel qui n’a patience,
En desespoir tous les jours vit,
Que folie est, non pas science,
Et plaint le temps que les jours vit
Que riens a son fait ne pourvit ;
Mais c’est tart a ses faits pensé :
A r’avoir n’est le temps passé.
 
De povre homme adez povre songe ;
De povre saint povre chapelle ;
Povre homme, ce n’est point mensonge,
La mort huche, la mort appelle,
A tout sa hoe, a tout sa pelle :
Mais la Mort fait l’oreille sourde.
N’est mal qu’en povreté ne sourde.
 
Chiere adez honteuse et confuse
Fait povre homme, et fol se reproche.
Mort requiert, mais Mort le refuse,
Ne ja de plus prez ne l’aproche.
Puis vient Povreté qui l’acroche
Parmi ses membres a ses dois :
Povre et viel est mis a ses drois.
 
Pour ce, temps passé pleure et plaint,
Pleure sepmainë et pleure ans
Qu’il a gasté et se complaint
Que Mort ne clot ses yeulx plourans ;
Et het ses jours mal coulourans
Esquels fait molin ne four n’a :
Tel pain menge on qu’en enfourna...
 
A l’iver qui est grans et frois
Suis venu ; hors de joye j’is,
Dont je doubte les grans effrois
Qui pourroient courre en mon logis,
Car en ung hostel loge et gis
Ou de toutes pars bise vente.
Ou riens n’a, tout est mis en vente. [...]