Roger Gilbert-LecomteLa tête à l’envers

 
   

Pourquoi mourir encore alors qu’on vient de naître
À la vie à la mort
 
Sous le rire concave du ciel
Quand la nuit ronge
 
Que la tête à l’envers sombre sous l’horizon
Lestée d’un poids universel à la mâchoire
Hantée d’un vide universel à la mémoire
 
Défoncée aux portes des tempes
Un trou criard dans l’occiput
 
L’imagination peuplée de rêves roses
Qui s’ébattent au marais implacable du sang et de l’eau
 
Les yeux crevés retournés qui se perdent
Au vertige sans fond de leurs tunnels internes
 
Et déjà les cils grandissent et blanchissent
 
Entre les tempes tendues
 
S’étendent sans fin des steppes de nuit
Barrées à l’horizon par la banquise
 
Le grand mur blanc sans issue de la nuit
 
Et la tête engloutie dans la mer des ravages
Meurt de dormir

 

© Gallimard