Rachid BoudjedraLa Mariée

 
   

Un trait noir
Un trait blanc
Un trait rouge
Des yeux
Des dents
Des lèvres.
 
Des gouttes de sueur
Un visage travesti
Le carnaval figé
Dans une gandoura dorée.
 
Des mains baguenaudées
Des pieds au henné
Des gens qui regardent
Et des flûtes chialantes
Comme des pleureuses
De Constantine.
 
Un trait noir
Un trait blanc
Un trait rouge
Des fleurs
Des visages flous
Et des « Yous-Yous ».
 
La peur
Le marié
Le bonheur
Et le cœur qui bat la chamade
Gigantesque.
 
Le marié
Le bonheur
La chemise en sang
La honte des voisins.
 
Les larmes
La joie
La peur travestie
Le carnaval figé
Un trait noir
Les entrailles qui se nouent
Un trait blanc
Les cuisses qui se serrent
Un trait rouge.
La fête bat son plein
Le marié boit du miel.
 
Une nuit
Un viol
Légalisé
Béni
Encensé
La chemise en sang
La honte des voisins
Les gouttes de sueur
Et le cœur qui bat la chamade
Gigantesque.
 
Puis la cuisine à faire
Les langes à laver
Les coups à esquiver
Et les gosses à refaire
Jusqu’à n’en plus pouvoir.
 
Un trait rouge
Un trait noir
Un trait blanc
Et la fête continue
Sans le moindre sourire.