Chassignet 

 
   

Assieds-toi sur le bord d’une ondante rivière :
Tu la verras fluer d’un perpétuel cours,
Et flots sur flots roulant en mille et mille tours
Décharger par les prés son humide carrière.
 
Mais tu ne verras rien de cette onde première
Qui naguère coulait ; l’eau change tous les jours,
Tous les jours elle passe, et la nommons toujours
Même fleuve, et même eau, d’une même manière.
 
Ainsi l’homme varie, et ne sera demain
Telle comme aujourd’hui du pauvre corps humain
La force que le temps abrévie et consomme :
 
Le nom sans varier nous suit jusqu’au trépas,
Et combien qu’aujourd’hui celui ne sois-je pas
Qui vivais hier passé, toujours même on me nomme.

 

   

Assies toy sur le bort d’une ondante riviere
Tu la verras fluer d’un perpetuel cours,
Et flots sur flots roulant en mille et mille tours
Descharger par les prèz son humide carriere.
 
Mais tu ne verras rien de ceste onde premiere
Qui n’aguiere couloit, l’eau change tous les jours,
Tous les jours elle passe, et la nommons tousjours
Mesme fleuve, et mesme eau, d’une mesme maniere.
 
Ainsi l’homme varie, et ne sera demain
Telle comme aujourd’huy du pauvre cors humain
La force que le temps abbrevie, et consomme :
 
Le nom sans varier nous suit jusqu’au trespas,
Et combien qu’au jourd’huy celuy ne sois-je pas
Qui vivois hier passé, tousjours mesme on me nomme.