André FrédériqueRéalisme

 

   Mes pièces de théâtre n’ont pas le succès qu’il conviendrait. Je mets en scène la vie même. Je suis un auteur réaliste. Ainsi un bras de fleuve entre deux ponts, un pêcheur au bord de l’eau, le vent dans les herbes, jusqu’au froid, à l’humidité qui gagnent la salle, obligent les spectateurs à se garantir.
   L’intrigue se noue autour du pêcheur. Pêchera-t-il un able ? Si elle se noue autour de l’orage qui va poindre au loin, c’est un drame que j’ai écrit. Mon théâtre se dévaste peu à peu si j’y joue trop de drames. On y vient de moins en moins, préférant les danses ou les niaiseries du répertoire. Je n’ai plus guère de spectateurs (je ne m’en plains pas, au contraire) pour assister à mes dernières recherches. Aussi je ne me prive pas de faire représenter des catastrophes, ne craignant pas la dépense. Pour une pièce j’ai besoin d’un combat : on s’y bat vraiment, et, je n’hésite pas pour cinq ou six tués, sans compter les blessures. Pris par l’action, mes comédiens continuent à se battre dans les coulisses. Je les encourage de la voix, courant à travers la scène, parmi les décors. Un vrai carnage.