Clément MarotDe soi-même

 
   

Plus ne suis ce que j’ai été,
Et ne le saurais jamais être ;
Mon beau printemps et mon été
Ont fait le saut par la fenêtre.
Amour, tu as été mon maître :
Je t’ai servi sur tous les dieux.
Ô si je pouvais deux fois naître,
Comme je te servirais mieux !
 
                        *

Réponse au précédent

Ne menez plus tel déconfort :
Jeunes ans sont petites pertes ;
Votre âge est plus mûr et plus fort
Que ces jeunesses mal expertes.
Boutons serrés, roses ouvertes,
Se passent trop légèrement ;
Mais du rosier les feuilles vertes
Durent beaucoup plus longuement.
 
                        *

Sur le même propos

Pourquoi voulez-vous tant durer,
Ou renaître en fleurissant âge ?
Pour aimer et pour endurer !
Y trouvez-vous tant d’avantage ?
Certes, celui n’est pas bien sage
Qui quiert deux fois être frappé,
Et veut repasser un passage
Dont il est à peine échappé.

 

   

Plus ne suis ce que j’ay esté,
Et ne le saurois jamais estre ;
Mon beau printemps et mon esté
Ont faict le saut par la fenestre.
Amour, tu as esté mon maistre :
Je t’ay servy sur tous les dieux.
Ô si je povois deux fois naistre,
Comme je te servirois mieulx !
 
                        *

Réponse au précédent

Ne menez plus tel desconfort,
Jeunes ans sont petites pertes :
Votre aage est plus meur et plus fort
Que ces jeunesses mal expertes.
Boutons serrez, roses ouvertes,
Se passent trop légèrement ;
Mais du rosier les fueilles vertes
Durent beaucoup plus longuement.
 
                        *

Sur le même propos

Pourquoy voulez-vous tant durer,
Ou renaistre en fleurissant aage ?
Pour aymer et pour endurer !
Y trouvez-vous tant d’avantage ?
Certes, celuy n’est pas bien sage
Qui quiert deux fois estre frappé,
Et veult repasser un passage
Dont il est à peine eschappé.