Ô Dieux que sens-je en moi, si je ne sens Amour ?
Si c’est lui que je sens, quel peut être son être ?
S’il est bon, d’où provient le mal que je sens naître ?
Sinon, qui me contraint le chercher nuit et jour ?
Si je brûle à mon gré, qui trouble mon séjour ?
Sinon, qui me fait or’ l’avouer pour mon maître ?
Ô doux fiel, vive mort, par vous j’ai pu connaître :
Que l’heur et le malheur nous virent tour à tour.
Si je suis consentant, à tort je me lamente,
Dedans ma frêle nef sur la mer violente :
Sans mât, sans gouvernail, sans astre, et sans fanal.
En ces extrémités de toute raison vide,
Surmonté de l’erreur : qui sera meilleur guide,
Ou la rage, ou l’espoir, à mon bien, ou mon mal.