Je reconnais mon île et qui n’a pas bougé.
Voici les trois îlots, et voici la grande Anse.
Voici, derrière le Fort les banbandes rouillées
Je suis comme l’anguille flairant les vents salés
Et qui tâte le pouls des courants.
Salut, île ! C’est moi. Voici ton enfant qui revient.
Par-delà la ligne blanche des brisants,
Et plus loin que les vagues aux paupières de feu,
Je reconnais ton corps brûlé par les embruns.
J’ai souvent évoqué la douceur de tes plages
Tandis que sous mes pas
Crissait le sable du désert
Et tous les fleuves du Sahel ne me sont rien
Auprès de l’étang frais où je lave ma peine.
Salut, terre mâtée, terre démâtée !
Ce n’est pas le limon que l’on cultive ici
Ni les fécondes alluvions.
C’est un sol sec, que mon sang même
N’a pu attendrir,
Et qui geint sous le soc comme femme éventrée.
Le salaire de l’homme ici
Ce n’est pas cet argent, qui tinte clair un soir de paie
C’est le soir qui flotte incertain au sommet des cannes
Saoules de sucre
Car rien n’a changé.
Les mouches sont toujours lourdes de vasou
Et l’air chargé de sueur.