Théophile de Viau 

 
   

D’un sommeil plus tranquille à mes Amours rêvant
J’éveille avant le jour mes yeux et ma pensée,
Et, cette longue nuit si durement passée,
Je me trouve étonné de quoi je suis vivant.
 
Demi désespéré, je jure en me levant
D’arracher cet objet à mon âme insensée,
Et soudain de ses vœux ma raison offensée
Se dédit et me laisse aussi fol que devant.
 
Je sais bien que la mort suit de près ma folie,
Mais je vois tant d’appas en ma mélancolie
Que mon esprit ne peut souffrir sa guérison.
 
Chacun à son plaisir doit gouverner son âme :
Mithridate autrefois a vécu de poison,
Les Lestrigons de sang, et moi je vis de flamme.

 

   

D’un sommeil plus tranquille à mes amours resvant
J’esveille avant le jour mes yeux et ma pensée,
Et, ceste longue nuict si durement passée,
Je me trouve estonné de quoy je suis vivant.
 
Demy desespéré, je jure en me levant
D’arracher cet object à mon ame insensée,
Et soudain de ses vœux ma raison offensée
Se desdit et me laisse aussi fol que devant.
 
Je sçay bien que la mort suit de près ma folie,
Mais je voy tant d’appas en ma melancolie
Que mon esprit ne peut souffrir sa guerison.
 
Chacun à son plaisir doibt gouverner son ame :
Mithridate autrefois a vescu de poison,
Les Lestrigons de sang, et moy je vis de flame.