Ceux qu’arrêtèrent les barrages
Sont revenus en plein midi
Morts de fatigue et fous de rage
Sont revenus en plein midi
Les femmes pliaient sous leur charge
Les hommes semblaient des maudits
Les femmes pliaient sous leur charge
Et pleurant les jouets perdus
Leurs enfants ouvraient des yeux larges
Et pleurant leurs jouets perdus
Les enfants voyaient sans comprendre
Leur horizon mal défendu
Les enfants voyaient sans comprendre
La mitrailleuse au carrefour
La grande épicerie en cendres
La mitrailleuse au carrefour
Les soldats parlaient à voix basse
Un colonel dans une cour
Les soldats parlant à voix basse
Comptaient leurs blessés et leurs morts
À l’école dans une classe
Comptaient leurs blessés et leurs morts
Leurs promises que diront-elles
Ô mon amie ô mon remords
Leurs promises que diront-elles
Ils dorment avec leurs photos
Le ciel survit aux hirondelles
Ils dorment avec leurs photos
Sur les brancards de toile bise
On les enterrera tantôt
Sur les brancards de toile bise
On emporte des jeunes gens
Le ventre rouge et la peau grise
On emporte des jeunes gens
Mais qui sait si c’est bien utile
Ils vont mourir laissez Sergent
Mais qui sait si c’est bien utile
S’ils arrivent à Saint-Omer
Entre nous qu’y trouveront-ils
S’ils arrivent à Saint-Omer
Ils y trouveront l’ennemi
Ses chars nous coupent de la mer
Ils y trouveront l’ennemi
On dit qu’ils ont pris Abbeville
Que nos péchés nous soient remis
On dit qu’ils ont pris Abbeville
Ainsi parlaient des artilleurs
Regardant passer les civils
Ainsi parlaient des artilleurs
Semblables à des ombres peintes
Les yeux ici la tête ailleurs
Semblables à des ombres peintes
Un passant qui soudain les vit
Sauvagement rit de leurs plaintes
Un passant qui soudain les vit
Il était noir comme les mines
Il était noir comme la vie
Il était noir comme les mines
Ce géant qui rentrait chez lui
À Méricourt ou Sallaumines
Ce géant qui rentrait chez lui
Leur cria Nous tant pis on rentre
Si c’est les obus ou la pluie
Leur cria Nous tant pis on rentre
Mieux vaut cent fois chez soi crever
D’une ou deux balles dans le ventre
Mieux vaut cent fois chez soi crever
Que d’aller en terre étrangère
Mieux vaut la mort où vous vivez
Que d’aller en terre étrangère
Nous revenons nous revenons
Le cœur lourd la panse légère
Nous revenons nous revenons
Sans larmes sans espoir sans armes
Nous qui voulions partir mais non
Sans larmes sans espoir sans armes
Ceux qui vivent en paix là-bas
Nous ont dépêché leurs gendarmes
Ceux qui vivent en paix là-bas
Nous ont renvoyés sous les bombes
Nous ont dit On ne passe pas
Nous ont renvoyés sous les bombes
Eh bien nous revenons ici
Pas besoin de creuser nos tombes
Eh bien nous revenons ici
Avec nos enfants et nos femmes
Pas besoin de dure merci
Avec leurs enfants et leurs femmes
Saints Christophes de grand chemin
Sont partis du côté des flammes
Saints Christophes de grand chemin
Les géants qui se profilèrent
Sans même un bâton dans la main
Les géants qui se profilèrent
Sur le ciel blanc de la colère