Tristan KlingsorLa Fleur sèche

 
   

J’avais ouvert un vieux bouquin poudreux
De Poèmes anciens et romanesques, ce matin,
À la page marquée d’une fleur sèche de thym,
Que nous avons, chère souris, souvent lue tous deux.
 
Je rêvais doucement de celle
Que tu sais bien et qui partit je ne sais où,
Séduite sans doute par l’escarcelle
D’un vieil amoureux radoteur et fou.
 
Je regardais la lune au travers des branches
D’un cerisier mort qu’on n’a pas abattu,
Quand la bise, je crois, ou ma manche
Tourna la page rongée par tes dents pointues.
 
Est-ce le simple froissement du papier,
Ou quelque autre mystérieuse cause,
Qui te fit sauver ainsi, à pieds
Légers, à pieds fourrés de bas gris et roses ?
 
Est-ce cela vraiment ? Ou d’avoir vu la lumière
Hésitante du jour qui se lève,
Qui te fit fuir, chère souris coutumière,
Comme mon rêve, comme mon rêve...