J’écrirai du Nord comme du Sud
j’écrirai des lettres pleines de promesses et de vengeances
une pluie de lettres qui s’abattra écaillant les joues les fronts
de leurs coins durs de leurs arêtes dures
J’écrirai d’assis de debout en dormant
en fuyant les crocodiles et les rochers féroces
Je soulèverai des tonnes de déserts pour me cacher pour écrire
des lettres des tonnes et des tonnes de vent de silence
Personne ne verra grimacer mon visage personne ne saura que j’ai faim
On dira me voyant au restaurant ou devant une pile d’oiseaux mécaniques
on dira c’est un copain ou bien je lui ai prêté ma brosse à dents ou bien on ne dira rien
Mais j’écrirai des lettres de l’Est et de l’Ouest et du Sud-Ouest ou du Nord-Nord-Est
Et ceux-là reculeront qui auront cru passer à travers mon corps
Et les lettres seront de grandes images transparentes
pleines de serpents et de maisons à plusieurs étages
Et ceux-là qui ouvraient de grandes bouches pour rire pâliront et souffriront
Ils ne sauront pas encore ce que c’est que la faim — non bien sûr —
mais ils diront Peut-être a-t-il faim Alors on répétera
dans les cercles de famille Peut-être a-t-il faim
On dira A-t-il faim en se serrant un peu davantage au coin du feu
ON DIRA on dira Il faudrait peut-être crier pour l’effrayer
ou mettre des jattes de lait devant la porte pour l’apaiser
Mais celui qui le premier aura vu mon visage oh alors
celui-là dira des choses incompréhensibles
Il sera bête il aura envie de s’asseoir au soleil et de baver
Trop tard Les lettres tomberont des étagères des huiliers par la chasse du tout-à-l’égout
Des lévriers de papier tireront de grandes langues rouges qui saliront l’air
qui empliront les vêtements qui brûleront fébrilement les derniers scrupules
les derniers aboiements de l’or
Je serai alors environ au centre de la
ROSE DES VENTS