Ronsard 

 
   

Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle. »
 
Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de « Ronsard » ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom, de louange immortelle.
 
Je serai sous la terre et fantôme sans os ;
Par les ombres Myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
 
Regrettant mon amour, et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain ;
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.

 

   

   Quãd vous serez bie~ vieille, au soir à la chãdelle,
Aßise aupres du feu, deuidant & filant,
Direz, chantant mes vers, en vous esmerueillant,
Ronsard me celebroit du temps que i’estois belle.
   Lors vous n’aurez seruante oyant telle nouuelle,
Desia sous le labeur à demy sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s’aille resueillant,
Benissant vostre nom de louange immortelle.
   Ie seray sous la terre & fantaume sans os :
Par les ombres Myrtheux ie prendray mon repos :
Vous serez au fouyer vne vieille accroupie,
   Regrettant mon amour, & vostre fier desdain.
Viuez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dés auiourdhuy les roses de la vie.