Joachim Du Bellay 

 
   

Marcher d’un grave pas, et d’un grave sourcil,
Et d’un grave souris à chacun faire fête,
Balancer tous ses mots, répondre de la tête,
Avec un Messer non, ou bien un Messer si :
 
Entremêler souvent un petit E cosi,
Et d’un Son Servitor contrefaire l’honnête,
Et comme si l’on eut sa part en la conquête,
Discourir sur Florence, et sur Naples aussi :
 
Seigneuriser chacun d’un baisement de main,
Et suivant la façon du courtisan Romain,
Cacher sa pauvreté d’une brave apparence
 
Voilà de cette cour la plus grande vertu,
Dont souvent mal monté, mal sain, et mal vêtu,
Sans barbe et sans argent on s’en retourne en France.

 

   

Marcher d’un grave pas, et d’un grave sourci,
Et d’un grave soubriz à chacun faire feste,
Balancer tous ses mots, respondre de la teste,
Avec un Messer non, ou bien un Messer si :
 
Entremesler souvent un petit Et cosi
Et d’un Son Servitor contrefaire l’honneste,
Et comme si lon eust sa part en la conqueste,
Discourir sur Florence, et sur Naples aussi :
 
Seigneuriser chacun d’un baisement de main,
Et suivant la façon du courtisan Romain,
Cacher sa pauvreté d’une brave apparence :
 
Voilà de ceste court la plus grande vertu,
Dont souvent mal monté, mal sain, et mal vestu,
Sans barbe et sans argent on s’en retourne en France.