Jacques BraultEntre Mars et Vénus

 
   

L’haleine du futur sur le dos de la main comme une plus claire visitation
Doutance du corps au temps confié ô remuement de l’arbre passager
Toute chose connaît sa chair à l’approche de l’appeau et de la glu
Toute chose ainsi qu’une bête mouillée qui sécrète son souffle
Toute chose retirée en la coquille de son refus
Voici l’heure où le minéral cherche sa respiration la pierre bouge dans sa peau
Ô le cri de l’être arraché de son agonie
Chacun est pauvre d’une voix que le temps violente
 
Le temps coule sa pâte en chaque fissure
Le temps ramène la nuit au giron du jour
Et les morts sans cesse au bras du souvenir renaissent
 
La terre se retourne sur les peuples qui la composent la terre où j’éprouve du pied ma place
Vieille berceuse où dorment les millénaires vieille rassembleuse
Terre où s’emmêlent nos racines où nos haines fraternisent
Terre aux mille sourires des morts réconciliés
 
Tes bras autour de ta nichée attendent celui qui va naître à sa mort
Et pour un qui tombe et rentre en sa fin en voici mille debout et durs comme le désir
 
Terre que le temps séduit terre naïve et toujours exacte au rendez-vous
Terre vieille femme vieille radoteuse qui écosse les heures
Terre vieille gare vieille rumeur de rires et de pleurs
Vieille peau fragile comme l’eau
Vieille main pourvoyeuse de lendemains
Vieille chanteuse au coin des rues
Vieille balayeuse de matins maussades
Et seule encore parmi les astres qui roulent en nos regards
 
Seule planète amoureuse de l’homme