Jean Meschinot 

 
   

Ceux qui dussent parler sont muts.
Les loyaux sont pour sots tenus.
        Je n’en vois nuls
Qui de bonté tiennent plus compte.
Vertus vont jus, péché haut monte.
        Ce vous est honte,
Seigneurs, grands, moyens et menus.
 
Flatteurs sont grands gens devenus
Et à hauts états parvenus,
        Entretenus,
Tant que rien n’est qui les surmonte.
Ceux qui dussent parler sont muts.
 
Nous naquîmes pauvres et nus.
Les biens nous sont de Dieu venus,
        Nos cas connus
Lui sont pour vrai, je vous le conte ;
Pape, empereur, roi, duc ou comte,
        Tout se mécompte,
Quand les bons ne sont soutenus.
Ceux qui dussent parler sont muts.

 

   

Ceulx qui deussent parler sont mutz.
Les loyaulx sont pour sotz tenus ;
        Je n’en voy nulz
Qui de bonté tiennent plus conte.
Vertus vont jus, péché haut monte.
        Ce vous est honte,
Seigneurs, grans, moyens et menus.
 
Flateurs sont grans gens devenuz
Et a haulx estas pervenus,
        Entretenuz,
Tant que riens n’est qui les surmonte.
Ceulx qui deussent parler sont mutz.
 
Nous nasquimes povres et nuds.
Les biens nous sont de Dieu venus,
        Nos cas congnus
Lui sont pour vray, je vous le conte ;
Pape, empereur, roi, duc ou comte,
        Tout se mescompte,
Quant les bons ne sont soustenus.
Ceulx qui deussent parler sont mutz.