William CliffAttendre

 
   

Cinquante fois, cinquante fois que j’ai été traîner
mon espoir comme un mollusque sa glu dans ce bar noir
d’insectes grouillants, cinquante fois pour te voir, j’ai vu
mil sacs humains ignorant tout de toi, ignorant tout
de moi, indifférents à ton absence, à ma présence
isolée aussi insignifiante qu’était la leur
groupée par trois ou quatre avec pour toute connaissance
ce savoir qu’on est trois ou quatre ensemble en ce bar noir
d’insectes qui ne se connaissent pas — Cinquante fois
j’ai bu un stout en attendant sans trop y croire
tout en croyant qu’en attendant quelques minutes encore
juste quelques minutes... mais les minutes passaient
et je m’enfonçais dans la nuit comme en un lac de boue.
Cinquante fois quand le trou noir du bar s’était vidé
et qu’il m’avait vomi comme un bousier mal digéré,
cinquante fois j’ai repris mes pieds fatigués et j’ai
mesuré les rues de la nuit avec mon désespoir.

 

© Gallimard