NorgeElsa la mouche

 
   

Lunes, soleils, petites galaxies,
Monstres tourneurs, globes inopinés,
Quelqu’un de votre race a perdu vie :
Elsa la mouche a fini de tourner.
 
Elsa, la mouche a tourné des semaines
Avec ses sœurs ainsi que vous tournez,
Gros tourbillons d’étoiles à la chaîne ;
Elsa la mouche à la fin s’est calmée.
 
Donc, la voici, les quatre fers en l’air,
Un grain de sucre encore à ses papilles.
Morte ! Elle est morte, ô sensible univers !
Elsa la mouche est défunte et raidie.
 
Soyez bien fort les astres que vous êtes
Et dévorez le fer, le cuivre ardents.
Elsa vivait de rognure et de miette,
Mais comme Elsa, vous ne mangez qu’un temps.
 
Vous qui tournez, vivantes, bien nourries,
Dans ces lopins où flottent les idées,
Boules de cendre ou comètes fleuries,
Tout comme Elsa, vous serez évidées.
 
Elsa taquine et joyeuse qu’emporte
Un vent grognon qui n’aime plus l’été,
Tu zézayais le nom de la clarté
Et tu n’es plus que cette mouche morte !
 
Paissez votre herbe, étoiles bovidées,
Puis venez voir d’un cil incandescent,
Elsa qui toute à son petit néant,
Finit de paître et sèche, décédée.
 
Elsa mourut : le frêle évènement !
Mais elle était lueur d’une pensée
Et dites-moi, lourds barils des nuées
Si vos lueurs savent briller autant.
 
Son chant soyeux, ses ailes de mica
Ne vibrent plus parmi les choses rondes
Et songez-y, comètes et polkas,
Tout comme vous, Elsa tournait au monde.

 

© Gallimard