Christine de PisanVirelai

 
   

Je chante par couverture,
Mais mieux pleurassent mes œils,
Ni nul ne sait le travail
Que mon pauvre cœur endure.
 
Pour ce muce ma douleur,
Qu’en nul je ne vois pitié.
Plus a l’on cause de pleur,
Moins trouve l’on d’amitié.
 
Pour ce plainte ni murmure
Ne fais de mon piteux deuil.
Ainsois ris quand pleurer veuil,
Et sans rime et sans mesure
Je chante par couverture.
 
Petit porte de valeur
De soi montrer déhaitié,
Ne le tiennent qu’à foleur
Ceux qui ont le cœur haitié.
 
Si n’ai de démontrer cure
L’intention de mon veuil,
Ains, tout ainsi comm’ je seuil,
Pour celer ma peine obscure,
Je chante par couverture.

 

   

Je chante par couverture,
Mais mieulx plourassent mi œil,
Ne nul ne scet le traveil
Que mon pouvre cuer endure.
 
Pour ce muce ma doulour
Qu’en nul je ne voy pitié,
Plus a l’en cause de plour
Mains treuve l’en d’amistié.
 
Pour ce plainte ne murmure
Ne fais de mon piteux dueil ;
Ainçois ris quant plourer vueil,
Et sanz rime et sanz mesure
Je chante par couverture.
 
Petit porte de valour
De soy monstrer dehaitié,
Ne le tiennent qu’a folour
Ceulz qui ont le cuer haitié
 
Si n’ay de demonstrer cure
L’entencion de mon vueil,
Ains, tout ainsi com je sueil,
Pour celler ma peine obscure,
Je chante par couverture.