Jean-Claude RenardEn un pays antérieur

 
   

Mon beau mystère est mûr au milieu des raisins,
est mûr comme un enfant ramant dans le sommeil,
comme un enfant d’amants est mûr, est souterrain,
et la mer met en moi de grands amours vermeils,
 
et je m’y multiplie et m’y mêle à mes membres
et je suis en voyage au milieu de la mer
et la mer amarrée aux lunes de ma chair
me plonge en des courants secrets comme des chambres,
 
et la mer maintenant mon amour et ma mort
meut en elle ma chair ruisselante d’oiseaux,
et je me sens marcher dans un amas de corps
qui ne sont plus d’ici, les blancs, les musicaux,
 
dans des corps consumés par d’anciennes mémoires
où tournent des manoirs, des vergers et des roses
je m’en vais vers celui que je fus dans la gloire
et reconnais l’odeur de mes métamorphoses,
 
et je m’ouvre à moi-même et remonte mes traces
et reprends la couleur végétale et profonde
que la mer d’autrefois répandait sur ma race
et redeviens le chant des naissances du monde.