Maurice RollinatVillanelle du ver de terre

 
   

Le malheureux ver de terre
Vit sans yeux, sans dents, tout nu,
Dans l’horreur et le mystère.
 
Tortueux comme une artère,
C’est un serpent mal venu,
Le malheureux ver de terre.
 
Jardinet de presbytère,
Et vieux parc entretenu
Dans l’horreur et le mystère
 
Tentent par leur ombre austère
Et leur calme continu
Le malheureux ver de terre.
 
Il suit l’étang délétère
Et le buisson biscornu
Dans l’horreur et le mystère.
 
Reptile humble et sédentaire,
Dans son trajet si menu,
Le malheureux ver de terre
 
Fuit la poule solitaire
Et le pêcheur saugrenu
Dans l’horreur et le mystère.
 
Lorsque la chaleur altère
Le sol herbeux ou chenu,
Le malheureux ver de terre,
 
Qui de plus en plus s’enterre,
Devient gros, rouge et charnu
Dans l’horreur et le mystère.
 
Et c’est le dépositaire
Des secrets de l’inconnu,
Le malheureux ver de terre
Dans l’horreur et le mystère.