Ronsard 

 
   

Comme un Chevreuil, quand le printemps détruit
L’oiseux cristal de la morne gelée,
Pour mieux brouter l’herbette emmiellée
Hors de son bois avec l’Aube s’enfuit,
 
Et seul, et sûr, loin de chien et de bruit,
Or’ sur un mont, or’ dans une vallée,
Or’ près d’une onde à l’écart recelée,
Libre folâtre où son pied le conduit :
 
De rets ni d’arc sa liberté n’a crainte,
Sinon alors que sa vie est atteinte,
D’un trait meurtrier empourpré de son sang :
 
Ainsi j’allais sans espoir de dommage,
Le jour qu’un œil sur l’avril de mon âge
Tira d’un coup mille traits dans mon flanc.

 

   

Comme vn Cheureuil, quand le printemps destruit
   L’oyseux crystal de la morne gelée,
   Pour mieulx brouster l’herbette emmielée
   Hors de son boys auec l’Aube s’en fuit.
Et seul, & seur, loing de chiens & de bruit,
   Or sur vn mont, or dans vne vallée,
   Or pres d’vne onde a l’escart recelée,
   Libre follastre ou son pied le conduit.
De retz ne d’arc sa liberté n’a crainte,
   Sinon alors que sa vie est attainte,
   D’vn trait meurtrier empourpré de son sang :
Ainsi i’alloy sans espoir de dommage,
   Le iour qu’vn œil sur l’auril de mon âge
   Tira d’vn coup mille traitz dans mon flanc.