Joachim Du Bellay 

 
   

Las, où est maintenant ce mépris de Fortune ?
Où est ce cœur vainqueur de toute adversité,
Cet honnête désir de l’immortalité,
Et cette honnête flamme au peuple non commune ?
 
Où sont ces doux plaisirs qu’au soir sous la nuit brune
Les Muses me donnaient, alors qu’en liberté
Dessus le vert tapis d’un rivage écarté
Je les menais danser aux rayons de la Lune ?
 
Maintenant la Fortune est maîtresse de moi,
Et mon cœur, qui soulait être maître de soi,
Est serf de mille maux et regrets qui m’ennuient.
 
De la postérité je n’ai plus de souci,
Cette divine ardeur, je ne l’ai plus aussi,
Et les Muses de moi, comme étranges, s’enfuient.

 

   

Las, ou est maintenant ce mespris de Fortune ?
   Ou est ce cœur uainqueur de toute aduersité,
   Cest honneste desir de l’immortalité,
   Et ceste honneste flamme au peuple non commune ?
Ou sont ces doulx plaisirs qu’au soir sous la nuict brune
   Les Muses me donnoient, alors qu’en liberté
   Dessus le uert tapy d’un riuage escarté
   Ie les menois danser aux rayons de la Lune ?
Maintenant la Fortune est maistresse de moy,
   Et mon cœur, qui souloit estre maistre de soy,
   Est serf de mille maulx & regrets qui m’ennuyent.
De la posterité je n’ay plus de soucy,
   Ceste diuine ardeur, ie ne l’ay plus außi,
   Et les Muses de moy, comme estranges, s’enfuyent.