Paul de RouxBrocante

 
   

Ce que l’homme a amassé est vite dispersé.
— Je ne parle pas de fortune, mais de toutes ces choses
dont notre voisin avait su se faire une sorte de rempart
ces choses qu’il avait apportées une par une chez lui
(seule la dernière comptant à ses yeux, elle seule
relevant le rempart contre la tristesse, l’ennui)
tous ces objets poussiéreux et désuets, ces meubles
qu’il ne voyait peut-être plus depuis longtemps
— de même qu’on ne voit pas son corps, son visage.
Il n’a pas fallu deux heures au brocanteur pour l’anéantir
ce petit univers unique, où le désordre n’était qu’apparent.
Déjà un nouveau locataire, l’œil allumé, fait des projets d’avenir :
c’est si grand un appartement vide.