Henri Michaux : Amours 
mardi 25 octobre 2011, 00:00 - ~ Choix : Poème
    Toi que je ne sais pas où attendre et qui ne liras pas ce livre,
    Qui as fait toujours leur procès aux écrivains,
    Petites gens, mesquins, manquant de vérité, vaniteux,
    Toi pour qui Henri Michaux est devenu un nom propre peut-être semblable en tout point à ceux-là qu'on voit dans les faits divers accompagnés de la mention d'âge et de profession,
    Qui vis dans d'autres compagnies, d'autres plaines, d'autres souffles,
    Pour qui cependant je m'étais brouillé avec toute une ville capitale d'un pays nombreux,
    Et qui ne m'as pas laissé un cheveu en t'en allant, mais la seule recommandation de bien brûler tes lettres, n'es-tu pas pareillement à cette heure entre quatre murs et songeant ?
    Dis-moi, es-tu encore aussi amusée à prendre les jeunes gens timides à ton doux regard d'hôpital ?
    Moi, j'ai toujours mon regard fixe et fou ;
    Cherchant je ne sais quoi de personnel,
    Je ne sais quoi à m'adjoindre dans cette infinie matière invisible et compacte,
    Qui fait l'intervalle entre les corps de la matière appelée telle.
    Cependant, je me suis abandonné à un nouveau « nous ».
    Elle a comme toi des yeux de lampe très douce, plus grands, une voix plus dense, plus basse et un sort assez pareil au tien dans son début et son cheminement.
    Elle a... elle avait, dis-je !
    Demain ne l'aurai plus, mon amie Banjo ;
    Banjo,
    Banjo,
    Bibolabange la bange aussi,
    Bilabonne plus douce encore,
    Banjo,
    Banjo,
    Banjo restée toute seule, banjelette,
    Ma Banjeby,
    Si aimante, Banjo, si douce,
    Ai perdu ta gorge menue,
    Menue,
    Et ton ineffable proximité.

    Elles ont menti toutes mes lettres, Banjo... et maintenant je m'en vais.
    J'ai un billet à la main : 17 084.
    Compagnie Royale Néerlandaise.
    Il n'y a qu'à suivre ce billet et l'on va en Équateur.
    Et demain, billet et moi, nous nous en allons,
    Nous partons pour cette ville de Quito, au nom de couteau.
    Je suis tout replié quand je songe à cela ;
    Et pourtant on me dira :
    « Eh bien, qu'elle parte avec vous. »
    Mais oui, on ne vous demandait qu'un petit miracle, vous, là-haut, tas de fainéants, dieux, archanges, élus, fées, philosophes, et les copains de génie
    que j'ai tant aimés, Ruysbroek et toi Lautréamont,
    qui ne te prenais pas pour trois fois zéro ; un tout petit miracle qu'on vous demandait, pour Banjo et pour moi.

(La nuit remue, 1935)


Commentaire de Claude :
mardi 1 novembre 2011, 19:41
He bien, Henri, avec un i pas grec, encore une fois, de te lire me donne envie de partir pour Quito et de quitter Quito pour le Nicaragua, mais il y fait bien chaud, alors je retournerai dans le pays de la moutarde et du bon vin, en Côte d'or...
L'or me va très bien...
La nuit remue de plus en plus, même ici en Allemagne, vingt-Dieux

Commentaire de l´administrateur (Christian) :
mardi 1 novembre 2011, 20:32
Henri avec un i pas grec ? ... En effet oui je m'étais pas trompé...

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