Shakespeare (traduit par William Cliff) : sonnet 83 
mercredi 29 juin 2011, 20:50 - ~ Choix : Poëme, ~ Choix : Poême
Jamais je n'ai voulu rien ajouter
à l'aspect de ta beauté naturelle
parce qu'elle est si belle en vérité
qu'aucun vers ne peut lutter avec elle.
C'est pourquoi j'ai préféré ne rien dire
tant que ton être démontrait assez
combien la langue est d'un piteux empire
pour dire ta beauté sans déroger.
Du coup tu m'as reproché mon silence
alors que je fais gloire de n'avoir
pas ombré ta beauté d'une insolence
où les autres font leurs désastres voir
car leurs encens ne tiennent pas en face
d'un seul regard émané de ta face.

[suite...]

Boileau : Épitre IX 
(Republication) - ~ Choix : Poëme
(...)

Jadis l’homme vivait au travail occupé,
Et, ne trompant jamais, n’était jamais trompé.
On ne connaissait point la ruse et l’imposture ;
Le Normand même alors ignorait le parjure.
Aucun rhéteur encore, arrangeant le discours,
N’avait d’un art menteur enseigné les détours.
Mais sitôt qu’aux humains, faciles à séduire,
L’abondance eut donné le loisir de se nuire,
La mollesse amena la fausse vanité.
Chacun chercha pour plaire un visage emprunté.
Pour éblouir les yeux, la fortune arrogante
Affecta d’étaler une pompe insolente ;
L’or éclata partout sur les riches habits ;
On polit l’émeraude, on tailla le rubis,
Et la laine et la soie, en cent façons nouvelles,
Apprirent à quitter leurs couleurs naturelles.
La trop courte beauté monta sur des patins ;
La coquette tendit ses lacs tous les matins ;
Et, mettant la céruse et le plâtre en usage,
Composa de sa main les fleurs de son visage.
L’ardeur de s’enrichir chassa la bonne foi :
Le courtisan n’eut plus de sentiments à soi.
Tout ne fut plus que fard, qu’erreur, que tromperie ;
On vit partout régner la basse flatterie.
Le Parnasse surtout, fécond en imposteurs,
Diffama le papier par ses propos menteurs.
De là vint cet amas d’ouvrages mercenaires,
Stances, odes, sonnets, épîtres liminaires,
Où toujours le héros passe pour sans pareil,
Et, fût-il louche et borgne, est réputé soleil.

(...)

Le Préambule des innom­brables 
samedi 29 mai 2010, 21:16 - ~ Choix : Poëme, ~ Choix : Web
    Un élégant et intelligent site pour naviguer parmi les poèmes des auteurs du XVIe-XVIIe siècle...

Marceline Desbordes-Valmore : Le réveil créole 
samedi 20 février 2010, 10:22 - ~ Choix : Poëme
N’a plus pouvoir dormir tout près toi dans cabane,
Sentir l’air parfumé courir sur bouche à toi,
Gagner plaisir qui doux passé mangé banane,
Parfum là semblé feu qui brûler cœur à moi.
      Moi vlé z’éveiller toi.

Baï moi baiser si doux, n’oser prend’ li moi-même,
Guetter réveil à toi... longtemps trop moi languir.
Tourné côté cœur moi, rend-li bonheur suprême,
Mirez l’aurore aller qui près toi va pâlir.
      Longtemps trop moi languir.

[suite...]

Musset : Pâle étoile du soir... 
mardi 2 février 2010, 07:43 - ~ Choix : Poëme
[...]

Étoile qui descends sur la verte colline,
Triste larme d'argent du manteau de la nuit,
Toi que regarde au loin le pâtre qui chemine,
Tandis que pas à pas son long troupeau le suit ;
Étoile, où t'en vas-tu dans cette nuit immense ?
Cherches-tu sur la rive un lit dans les roseaux ?
Où t'en vas-tu si belle, à l'heure du silence,
Tomber comme une perle au sein profond des eaux ?
Ah ! si tu dois mourir, bel astre, et si ta tête
Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux,
Avant de nous quitter, un seul instant arrête ;
Étoile de l'amour, ne descends pas des cieux !



Francis Jammes : Ils m'ont dit 
lundi 7 décembre 2009, 20:16 - ~ Choix : Poëme, ~ Choix : Poème
Ils m'ont dit : « Il faut chanter la vie à outrance ! »
... Parlaient-ils des ménétriers ou des noix rances ?
ou des bœufs clairs dressés hersant avant l'orage ?
ou de la tristesse du coucou dans les feuillages ?

- « Pas de pitié ! Pas de pitié ! » me disaient-ils.
... J'ai mis un hérisson blessé par un gamin
dans mon vieux pardessus et puis dans un jardin,
sans m'inquiéter davantage de leurs théories.

Je fais ce qui me fait plaisir, et ça m'ennuie
de penser pourquoi. Je me laisse aller simplement
comme dans le courant une tige de menthe.
J'ai demandé à un ami : Mais qui est Nietzsche ?

Il m'a dit : « C'est la philosophie des surhommes. »
- Et j'ai immédiatement pensé aux sureaux
[suite...]

Georges de Scudéry : La Belle Pêcheuse 
mercredi 27 mai 2009, 09:30 - ~ Choix : Poëme
La manche retroussée et le bras demi-nu,
(Mais un bras aussi blanc que la plume d’un Cygne)
Ma divine Philis sur ce bord si connu,
Jette aux poissons trompés, et l’appât, et la ligne.

Du haut de ce rocher, et scabreux, et cornu,
Cette jeune Naïade, en merveilles insigne,
Fait mordre l’hameçon à ce peuple menu,
Et lui donne un destin, dont il est fort peu digne.

Ses regards dans les flots, font mille ambitieux,
Qui suivent moins l’appât, que l’éclat de ses yeux,
Et qui prêts de mourir, en bondissent de joie :

Orgueilleuse Beauté, dont je sens le mépris,
Ta pêche est préférable à la plus belle proie,
Car parmi tes poissons, cent cœurs se trouvent pris.

Mellin de Saint-Gelais : Étrennes 
jeudi 1 janvier 2009, 10:12 - ~ Choix : Poëme
En lieu de mai, de dorure, ou de chaîne
À ce matin premier jour de l’année
Je vous envoie un brin de gui de chêne ;
N’êtes-vous pas richement étrennée ?
Cette façon d’en donner n’est pas née
De moi premier : les vieux Druides sages
En présentaient ce jour pour bons présages.
Oh ! qu’en ce gui tel signe fût compris
(Puisque le glu se fait de ses feuillages)
Que votre cœur du mien dût être pris !

Banville : Lapins 
samedi 8 mars 2008, 23:41 - ~ Choix : Poëme
Les petits lapins, dans le bois,
Folâtrent sur l’herbe arrosée
Et, comme nous le vin d’Arbois,
Ils boivent la douce rosée.

Gris foncé, gris clair, soupe au lait,
Ces vagabonds, dont se dégage
Comme une odeur de serpolet,
Tiennent à peu près ce langage :

« Nous sommes les petits Lapins,
Gens étrangers à l’écriture,
Et chaussés des seuls escarpins
Que nous a donnés la Nature.

[suite...]