ô ma bête que fais-tu à mon insu ?
tu m’échappes tu prépares ma mort
tu me rends horrible à voir et tu traînes
mon âme loin de l’amour et des fêtes
tu me fais écrire un poème plein
de ton ennui de n’être qu’une bête
tu reçois les mouvances du climat
comme une fleur une plante un poisson
ô bête sans laquelle on ne peut vivre
mollusque horrible comme ceux qu’on voit
prendre une forme atroce où la lumière
ne sonde plus la profondeur des eaux
(mandibules agitées yeux bulbeux
corps enserrés d’anneaux pinces géantes)
je sais qu’avec toi il ne faut qu’attendre
ta maladie il lui faut pour se rendre
du temps : elle a en elle tout le temps
qu’il a fallu à ses ancêtres pour la faire
et donc il te faut aussi tout le temps
nécessaire pour un peu t’en défaire
le soleil rayonne aujourd’hui j’irai
te promener sur le bord de la mer
je te ferai jouir d’être branlée
par d’autres bêtes comme toi qui aiment
jouir en entendant la mer jouir
de mourir sur la plage sans savoir
comment en elle vivent ces horribles
bêtes qui ne voient jamais la lumière
que pour bouillies vivantes devenir
pâture infecte de ces gens atta-
blés et qui sans décence les dévorent
pour faire jouir leur ventre omnivore
à présent délestée de ta vigueur
et imbibée des poisons du café
allez ! jette-toi dans la foule va
boire ta mort avec les autres là
enchaînée à la barre tu boiras
de quoi me rendre plus malade car
c’est l’usage chez les bêtes de faire
souffrir leur maître afin qu’ils se souviennent
que leur bête impotente les gouverne