Jules Lefèvre-DeumierLa Colombe poignardée

 
   

Il existe un oiseau, dont le pâle plumage,
Des forêts du tropique étonne la gaieté ;
Seul sur son arbre en deuil, les pleurs de son ramage
Font gémir de la nuit le silence attristé.
 
Le chœur ailé des airs, loin de lui rendre hommage,
Insulte, en le fuyant, à sa fatalité ;
Lui-même se fuirait, en voyant son image :
Poignardé de naissance, il naît ensanglanté.
 
Et le poète aussi, merveilleuse victime,
Qui mêle de son sang dans tout ce qu’il anime,
Arrive dans ce monde, un glaive dans le cœur ;
 
Et l’on n’a point encore inventé de baptême,
Qui puisse en effacer le stigmate vainqueur :
Cette tache de mort, c’est son âme elle-même.